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— Ha ha ! César, dit Claude ; n’est-ce pas, Narcisse, que ce n’est pas moi ?

— Mais non, acquiesça le familier. César est César chez la Fortune. Elle est là, son char attelé, prête à rouler.

— Elle est là… Vénus ? trembla Claude de tous ses membres.

— Elle t’attend… Fors-Fortuna, César.

Et dans la même chaise qui l’avait amené à Ostie, entre Vitellius et Largus Cécina, sous l’œil de Narcisse, Claude César reprit la route sablonneuse de Rome.

Cependant Vénus, comme une ordure des jardins, dans le tombereau des excréments, n’ayant pu requérir d’autre véhicule, — et pourtant, étant Augusta, aussi bien que Livie déesse, elle avait droit au char ! — s’avançait sans peur à la rencontre de César, sachant que pour fermer les yeux impériaux au plein tombereau de ses souillures, il lui suffisait d’ouvrir l’éventail voluptueux des siens.

Et comme le soldat imaginaire, ou toute créature qui porte une image du prince est inviolable, elle prit avec elle ses enfants Octavie et Britannicus, lesquels, qu’il fût ou non leur père, ressemblaient à Claude.

Enfin, elle se fit précéder, avec le même cynisme qu’elle eût épilé ses nuits prostituées avec la lampe sacrée des vierges, par Vibidia, la plus ancienne vestale.


— Ô crime ! alternaient méthodiquement Cécina et Vitellius à chaque vaste oreille de Claude, comme pour rythmer l’ahan des porteurs.

Narcisse, à demi-étendu en face de l’empereur, plus habile, parla au fond même de son âme en l’occupant d’un mémoire, lequel relatait tout le passé de Messaline.

— Un mémoire ? dit Claude, qui, avidement, paperassa.


Dernière descendante de la noble famille des Messalla et de siècles d’intégrité et de rostres, fille de Messalla le Barbu et de Domitia Lépida la Dompteuse-Douce, Messaline, que Claude l’ait épousée souillée ou non et que Lépida lui ait donné l’exemple des débauches ou d’une vie de vertueuse matrone, avait refréné son infamie jusqu’à ce qu’elle pût avec certitude la cabrer au faîte de l’empire.