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cipline. Le mur du disciplinaire, c’est le pays : le bled, où la faim et la soif attendent le fugitif.

On paie 25 francs la livraison d’un déserteur, et ce ne sont pas les indigènes qui sont les plus acharnés après ce gibier humain.


VOL

Le vol est encore plus rare que la désertion. Deux faits montreront comment à la discipline on peut passer au Conseil pour vol.

Affaire Sary. — L’affaire Sary eut lieu en 1893 à la 1re  compagnie. Il manquait à Sary une paire de souliers, soit qu’il les eut égarés, soit qu’on les lui eût pris.

La disparition de ses souliers entraînait sa mise en prévention de conseil pour dissipation d’effets. À la veille d’une revue de détail, Sary alla le soir au magasin d’habillement où il avait remarqué, près d’une fenêtre, une pile de souliers hors service, il cassa un carreau et s’empara de vieux souliers. Malheureusement, un disciplinaire, le cuisinier des sous-officiers, le vit, courut au poste qui était à dix mètres, prévint le sergent de garde et ils surprirent Sary emportant la paire de souliers. Mis en prévention de Conseil pour vol d’effets appartenant à l’Etat, le malheureux fut condamné par le Conseil de guerre de Tunis à dix ans de travaux publics.

L’autre fait s’est passé en 1896 à la 2me  compagnie de discipline :

Un caporal d’ordinaire faisait la distribution des morceaux de savon attribués aux hommes chaque semaine. Deux disciplinaires, profitant de ce que le gradé avait le dos tourné, en prirent deux morceaux dans le rabiot du caporal.

Celui-ci, se retournant brusquement, les aperçut, appela deux témoins, et les fusiliers passèrent au Conseil de guerre qui les condamna chacun à deux ans de prison.


OUTRAGE

Les faits suivants montreront le mécanisme de l’outrage.

Affaire Bajar. — En 1896 — nous ne pouvons préciser la date — à la portion centrale de la troisième compagnie à Aumale, un caporal, dont malheureusement nous ignorons le nom — le témoin qui a raconté le fait se rappelait seulement qu’il sortait du deuxième zouaves — entre un jour dans les locaux disciplinaires en état d’ivresse. Avec l’entêtement des hommes ivres, il s’acharna sur un nommé Bajar qui ne soufflait mot et lui donna un nombre considérable d’ordres formels pour imposer silence à Bajar silencieux. Cette comédie dura plus de dix minutes. À la fin, Bajar agacé se raidissait pour ne rien répondre. Le caporal revint à la charge, soufflant dans la figure de Bajar son haleine empestée. N’en pouvant plus, Bajar dit au gradé : « Caporal, vous m’embêtez, je ne vous dis rien, fichez-moi la paix… Allez cuver votre vin ailleurs. » Pour ces paroles Bajar passa au conseil sous l’inculpation d’outrage à un supérieur pendant le service et se vit infliger dix ans de travaux publics.

Il est actuellement à l’atelier de Mers-el-Kebir.