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un ronflement mugit de nouveau dans l’entonnoir du cirque, de murmures, de cris et d’injures.

L’obélisque rose, avec la figure d’or de son socle, perçait implacablement tout cela.

Déferlant contre ce phare qui portait au pied sa lampe, les sifflets et les paroles se cadencèrent et prirent une forme, qui bondit en assauts successifs de bête par le cirque :

— Danse, Mnester !

Alors Mnester s’avança jusqu’au bord de l’estrade, et avec le geste fatigué d’un dormeur au soleil qui s’étire hors d’un bourdonnement de mouches :

— Excusez-moi, je ne puis : je viens de coucher avec Oreste.

Et il s’étendit de nouveau sur son lit vertical.

Dans un demi-silence de chuchotements, les médecins et philosophes, et Claude estimèrent que le mot du mime exprimait ingénieusement l’épuisement de la création d’un prodigieux rôle ; le peuple et Messaline, trop passionnés pour chercher si loin, se levèrent, le peuple invectivant avec menaces César et désignant l’Oreste que déjà croyait deviner la rumeur publique : Messaline, l’enleveuse de portefaix, d’acteurs et de gladiateurs, qui opposait aux clameurs le bouclier froid de ses yeux impudents et impudiques.

— Messieurs, bégaya Claude (il avait coutume d’interpeller en ce terme les citoyens romains), il n’y a pas de ma faute ; je n’ai pas de relations avec lui, moi je veux bien qu’il danse, Messieurs.

— Danse, Mnester ! reprit la foule revirant l’ordre de ses désirs vers le mime.

— Oreste, c’est tous ceux-là, je sais bien, mais danse, Mnester, ce que tu voudras, pour moi, je t’en supplie, roucoula Messaline.

— Il plaît à ma femme et au Peuple et moi je t’ordonne que tu danses, dit Claude.

— Je danserai, dit Mnester lentement. César et femme de César, par peur de mille coups de fouet dont une morsure de bouche.


Et c’est ainsi que pour célébrer l’anniversaire de la naissance