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tition des petits morceaux de pain au mythe de la rédemption, du mythe de la rédemption à l’intelligence d’une doctrine chrétienne morale et sociale.

Dès lors, m’apparaît le sens de la vie, qui est de fonder le royaume de Dieu sur la terre, c’est-à-dire de faire régner sur les rapports des hommes, au lieu de la violence, de la cruauté et de la haine, l’amour et la fraternité. Le moyen que nous devons employer pour atteindre ce but, est notre perfectionnement individuel, c’est-à-dire que nous devons remplacer l’obéissance à nos appétits égoïstes par l’exercice d’un charitable dévouement envers nos semblables, suivant le précepte évangélique qui résume la loi et les prophètes : Toutes les choses que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-leur aussi de même.

Tel est pour moi le sens de la vie, et je n’en vois pas de plus élevé. Je suis loin, dans mes actes, de m’y conformer, mais je le fais souvent, et plus je vais, mieux je m’accoutume à m’y conformer ; et plus souvent je m’y conforme, plus joyeuse devient ma vie, plus libre, plus indépendante du monde extérieur, et moins terrible me semble la mort…

À chacun sa voie pour atteindre la vérité. Pour moi, je puis dire, tout au moins, que je répands dans mes écrits, non de vaines paroles, mais cela même qui fait toute ma vie, tout mon bonheur, et qui m’accompagnera dans la mort.


Léon Tolstoï