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la revue blanche

Le plus ancien document parvenu à notre connaissance qui traite des silos connue moyen coercitif, est une brochure parue en 1848[1].

Le silo fut un moyen légal.

Un an avant la suppression nominale du silo, se passa le fait suivant à la 4e compagnie de discipline, au détachement de Bou-Saada. Ce récit fut fait en 1890 par un témoin oculaire.

« Le 10 août 1889, dit l’ancien disciplinaire Moser, pour avoir transporté mon lit d’une tente où la chaleur était torride dans une chambre, on me colla au silo sur l’ordre du chef de détachement, le lieutenant X…, actuellement capitaine et décoré.

« Un silo est un trou profond creusé en terre et qui, large à sa base, se termine à l’orifice en forme d’entonnoir. Dans ce trou, se trouve une fosse dans laquelle le patient est contraint, ne pouvant le faire ailleurs, de déverser ses déjections. Je vous laisse à penser ce que peuvent être, sous une température torride, l’odeur et les gaz méphitiques se dégageant d’un lieu pareil.

« Sur la réclamation que je fis que je ne pouvais rester dans ce milieu pestilentiel, on m’adjoignit deux camarades. Nous subîmes là une torture atroce. Le 20 août, malgré nos cris et nos plaintes, un nommé Hyacinthe Deronne vint nous tenir compagnie. Venant de corvée, après la soupe du matin, et devant y retourner immédiatement après, il avait osé répondre : Laissez-moi manger ma soupe auparavant.

« Vous dépeindre notre torture est impossible.

« Une affreuse agonie vint nous saisir un à un. Le lendemain, le caporal de corvée nous interpella : nul ne put lui répondre. Il nous lança alors de l’eau, des cailloux, mais personne ne pouvait remuer. De courageux camarades essayèrent de descendre dans ce tombeau, mais ils ne le purent. Dès que l’un d’eux, attaché avec des cordes, se risquait à passer la tête dans le trou, l’asphyxie l’étreignait et le forçait à se faire hisser à l’air libre.

« Après deux heures de ventilation, le sauvetage commença. Le premier retiré, Deronne, était mort. Les trois autres, dont j’étais, subirent des frictions et des inhalations pendant lesquelles nous rendions de gros caillots de sang. On nous transporta à l’hôpital chacun sur un brancard. À notre lit fut suspendue une pancarte indiquant comme maladie : fièvre.

« Le médecin voulut nous faire dire et nous prouver que nous nous étions asphyxiés exprès et il déclara que Deronne était atteint d’une pleurésie et qu’il était responsable de sa mort.

« J’ai tout fait pour le venger. Je me suis évadé, le 2 octobre, pour réclamer au commandant supérieur. J’ai laissé à cet officier un écrit entièrement rédigé et signé par moi, accusant H… de vol, d’assassinat, de sévices corporels. Rien n’y a fait ; H… fut chargé de l’enquête »[2]

Ces faits furent confirmés par la déposition d’un autre disciplinaire, M. Cussonac ref>Intransigeant, 21 mai 1896, n° 5 790.</ref>.


FERS

Les fers ne doivent pas être une punition, des actes administratifs

  1. Appel à la justice du peuple, brochure dans laquelle M. Villain de Saint-Hilaire, ancien sous-intendant militaire, relate, avec preuves à l’appui, les nombreuses atrocités dont ilavait été témoin en 1837.
  2. Intransigeant. 17 mai 1896, n° 5 786.