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La Conscience de l’Enfant est assez piètrement défendue. Le jeu de la plupart des acteurs ne fait qu’accentuer l’irréalité foncière de l’ouvrage : en particulier MM. Silvain et Paul Mounet, Mmes Pierson, et Wanda de Boncza semblent prendre à tâche de la souligner, en ronronnant à qui mieux mieux. Sans spécial éclat M. Worms et Mme Baretta, qui représentent le couple Montret, sont du moins acceptables. Le rôle artificiel de Germaine met en fâcheux relief les tendances mièvres de Mlle Lara. M. Georges Berr (Emmanuel) montre beaucoup d’adresse et presque autant de sincérité et M. Raphaël Duflos a le mérite de sauver du ridicule un amoureux absolument inconsistant.

Il convient de signaler, au Théâtre-Antoine, une excellente reprise de l’Argent de M. Émile Fabre. Cette pièce, une des plus significatives que nous ait données le Théâtre-Libre n’a vieilli qu’à peine, en quelques coins de rosserie outrancière. Elle demeure une œuvre forte et de singulière puissance dramatique. Avec un art très sobre et très sûr M. Fabre, qui n’a pas fait mieux depuis, a su présenter, varier et mouvementer un sujet d’une âpreté périlleuse, sans se permettre un écart, sans tomber une seule fois dans le mélodrame ou dans la charge. La pièce est de tenue parfaite et de qualité irréprochable. Elle est jouée à la perfection par Mme Henriot, MM. Arquillère et Antoine, qui nous a rendu la mise en scène rationnelle et saisissante de la création. M. Desfontaines, Mlles Maupin et Barsange complètent heureusement un ensemble comme on n’en voit, répétons-le, nulle part.

L’Argent est précédé de la Peur de souffrir, un petit acte de M. André Rivoire. Plutôt : un dialogue, car malgré l’attrait de l’écriture et l’intensité du ton, il manque à cette scène, qu’on dirait fragmentée de quelque douloureuse comédie, ne fût-ce qu’un vestige de trame et d’exposition indispensables pour nous intéresser à d’aussi subtiles doléances. Œuvre gracieuse d’ailleurs, empreinte d’une grande fraîcheur de sensibilité, d’un charme triste et pénétrant, et qui vaut surtout par une notation toujours exacte et minutieuse. Les deux rôles sont tenus par M. Dumény et Mlle Marthe Mellot avec beaucoup d’élégance et de sincérité attendrie.

Le Gymnase vient de représenter la Layette, de M. André Sylvane. J’ai pris, à cette comédie, un réel plaisir et un plaisir assez inattendu. Il y a là plus que du talent et mieux que de l’habileté : un rare bonheur de tour et de présentation, de l’humour authentique. Non seulement l’auteur est parvenu à esquiver ce qu’il y avait de pénible dans sa donnée ; mais il l’a exposée avec une fantaisie du meilleur aloi et une profusion de détails exquis qui donnent à son premier acte un accent peu ordinaire. Il y a plus de vulgarité dans les deux suivants, pourtant suffisamment d’entrain pour que le rire persiste très franc jusqu’à la fin. M. Tarride a notablement contribué