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PETITE GAZETTE D’ART
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Fortement, l’attention est attirée par les eaux-fortes et les bois de J. Niewenkamp. Ce sont des œuvres tantôt de puissance, tantôt de précision et de scrupule. Tout est admirable et le serait également, si la Vieille tour et Sous le moulin, Bruges ne forçaient plus particulièrement l’enthousiasme. Toorop, varié, divers et contradictoire, tour à tour peintre, sculpteur, aquafortiste, lithographe, prodigue son étrange et multiple talent et étonne par quelques réalisations de rêve presque parfaites.

Henry Van de Velde en deux montres claires et amples expose des bijoux d’argent et de platine originaux et simples, dont les motifs décoratifs étonnent et captivent, ainsi que des plateaux, théières, salières et assiettes dont la beauté de matière pure n’est soulignée que par de rares et discrets ornements.

Toute une série de bustes et de bas et hauts-reliefs attire l’admiration vers le maître Constantin Meunier, tandis que le sculpteur Bourdelle requiert et charme, grâce à ses profils raffinés et très artistes de femmes et d’enfants.

Une affiche ardente de Léo Jo couvre de son pavillon rouge-sang la présente exposition.

Émile Verhaeren


TEN CATE, CLARY, WILDER[1]

Wilder : Ces premiers essais révèlent à travers quelque imprégnation, toute indiquée, de l’initiateur, Maufra, une individualité naissante : un tempérament. L’œil prend d’un seul coup, on le sait, possession de tout un panorama (ici, le littoral breton), et la main transportant avec autorité et décision la vision comme stéréoscopée, étage par plans et à leurs plans rivage, roches, les tranches d’eau marine jusqu’à l’horizon ; chaque chose en sa matière et sa coloration, les falaises, rouges, pesantes, impénétrables et rèches ; le sable jaune et roux, humide et graniteux, et l’eau, l’eau surtout, lourde, puissante, au bleu cru magnifiquement enrichi d’un foisonnement irisé. Le défaut — défaut précieux — de cette crânerie impétueuse serait le tumulte, et quelque superficialité ; moins sensible au reste dans les aquarelles, d’une belle sérénité.

Clary, paysages exacts, humbles, sobres à la sécheresse, calmes à la froideur.

Ten Cate, sites parisiens dramatisés par l’anecdote et pour l’illustration (Mazas : un bec de gaz, solitaire, dans la rue déserte, pleure sa lueur funéraire contre le haut mur nu de la prison… un fiacre est arrêté…). Apitoiements faciles, et tant d’habileté ! Des paysages hollandais dégagent une moins cherchée : plus réalisée émotion.

Félicien Fagus
  1. Galeries Bernheim jeune, rue Laffitte, Paris.