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fuses, la critique aura bien de la peine à éclaircir, si l’émotion dramatique et unanime des assistants était juste, si, en ajoutant son amendement à la motion transactionnelle de la Commission, M. Guesde manquait vraiment à la parole donnée. Ce débat n’a d’ailleurs plus d’intérêt. Mais ce qui restera, c’est le mouvement sublime qui emporta M. Jaurès à la tribune, c’est la marche des délégués, sous leurs bannières improvisées, c’est la foule des tribunes criant avec eux : Vive l’Union ; c’est cette offre enthousiaste et menaçante d’une foule, qui fit fondre, dès ce jour, les calculs et les résistances.

Le Congrès finit le vendredi soir. L’union était faite. La dernière séance ne fut qu’une noble cérémonie. Devant les survivants de la Commune, debout sur l’estrade, sous les bannières déployées, le délégué Ghesquière vint chanter l’Internationale, que délégués et spectateurs reprenaient d’une seule voix. La large mélopée éclatait sur des notes imprévues. Nous pensions aux fêtes révolutionnaires, à ces fêtes pures et fraternelles qui ont inauguré un monde nouveau.

Je n’ai pas dessein d’insister sur la Constitution que s’est donnée le Parti ; elle est simple : un Congrès annuel, une commission permanente, les élus et la presse soumis désormais à une discipline morale. Le comité sera formé de membres élus par les organisations, par les Syndicats, par les Coopératives, par les Fédérations départementales. La loi électorale des Congrès futurs reste à découvrir.

Au Comité général du Parti échoit la tâche la plus lourde. On souhaite qu’il s’y montre égal. Nous savons qu’il doit réaliser dans le Parti l’unité de tactique et de propagande. Mais comment, par quels moyens, avec quelles ressources financières ? Au Congrès, où il s’est traité tant de questions inutiles, personne ne paraît avoir songé à celle-là. Il est vrai qu’elle se prêtait mal à des délibérations aussi nombreuses. Mais on peut dire que le Comité va trouver posé devant lui, dès ses premières séances, un problème purement formel, purement administratif, d’où dépend cependant, pour plusieurs années, l’avenir du prolétariat français. Quel sera le budget du Parti unifié ? — Je sais que, dès sa première délibération, la Commission a voté un budget. Mais si l’on doit approuver le principe qui a inspiré ce vote, il est clair que le chiffre des recettes votées (10.000 fr.), à moins qu’il n’ait été volontairement rétréci, pour rassurer les appréhensions bourgeoises, est dérisoire et puéril. J’y vois assez justement de quoi payer le secrétaire, le trésorier, le chauffage et les fournitures de bureau. C’est un devis de paperasseries, ce n’est pas un budget d’action.

Je suis d’ailleurs persuadé que l’argent se trouvera et aussi le reste. La nécessité et la bonne volonté jointes feront naître les administrateurs et les financiers. Le prolétariat n’a pas manqué de