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aux Facultés libres le privilège de la collation des grades, le Parlement et l’opinion ne retinrent bientôt que l’article 7. Les deux tiers de l’exposé des motifs lui étaient consacrés : « C’est un des plus importants articles de la loi nouvelle. Nous ne voulons en atténuer ni le caractère ni la portée. C’est de propos délibéré que le gouvernement, au moment où il cherche à reconstituer le patrimoine de l’État dans les choses de l’enseignement, vous propose de reconnaître et d’appliquer un des principes les plus anciens et les plus constants de notre droit public. » Dans les travaux de la commission nommée par la Chambre, et que M. Paul Bert présidait, dans le rapport déposé en son nom par M. Spuller, — rapport docte, solide, éloquent, qui forme la matière d’un bon volume et constitue un répertoire inépuisable de faits bien choisis et de citations caractéristiques, — le même souci prévalut. On vit dans l’article 7 la loi tout entière. Le pays, où les passions politiques étaient encore vives, s’ouvrit largement au débat. Une campagne de banquets et de réunions publiques commença. Il n’y avait pas deux ans qu’avait été proféré le mot célèbre : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ».

Les débats à la Chambre durèrent du 16 juin au 9 juillet et remplirent seize séances. Le premier orateur entendu dans la discussion générale fut M. Paul de Cassagnac, contre qui l’on dut naturellement prononcer, au bout de quelques phrases, la censure habituelle. M. Ferdinand Boyer soutint, après lui, la thèse cléricale, dans un discours médiocre et plat. Le 21 juin, M. Paul Bert, président de la commission, et que l’opinion considérait comme l’inspirateur même de la loi, prononça une harangue excellente et considérable. Puis se succédèrent à la tribune MM. Gaslonde, adversaire, et Émile Deschanel, partisan de la loi, MM. de Mackau et Spuller, MM. Étienne Lamy et Jules Ferry. J’omets MM. Janvier de la Motte, de la Bassetière, de La Rochefoucauld, et même M. Bourgeois qui porta cependant à la tribune un curieux souvenir, la péroraison du discours d’Hugo dans la discussion de la loi Falloux[1]. La clôture fut prononcée le 29 juin par la Chambre qui passa à la discussion des articles. Mais de nombreux contre-projets, des amendements multiples étaient déposés. Et sur l’article 7 s’ouvrit une nouvelle discussion générale qui tint cinq séances entières. On entendit à nouveau MM. Jules Ferry et Paul Bert ; on entendit MM. Bardoux, Ribot, Keller, Léon Renault, et Louis Blanc (car Louis Blanc, en 1879, vivait encore ; — cela m’étonne toujours). L’article 7 fut voté le 9 juillet par 333 voix contre 164.

Le système des adversaires de la loi, MM. Gaslonde, Léon Renault, Keller, Lamy, fut tel : M. Ferry, disaient-ils, veut interdire l’enseignement aux membres des congrégations non autorisées, et il prétend,

  1. Voici quelques passages de ce singulier discours : « L’enseignement religieux est, selon moi, plus nécessaire aujourd’hui que jamais pour éviter les convulsions sociales… Je désire améliorer le sort matériel de ceux qui souffrent ; mais je n’oublie pas que la première de ces améliorations, c’est de leur donner l’espérance. »