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Neuf petits poèmes


PORTRAIT

À ma sœur Jeanne.

Sous l’auréole d’or de tes cheveux en mousse,
Ton œil espiègle suit cet oiseau zinzolin
Qu’eût enfermé Jodelle en un sonnet câlin.
Et ta grâce rappelle, ensemble vive et douce,

Un menuet de Mozart dansé par Chérubin,
À Trianon, un soir de gala, dans la rousse
Lumière où se mouvaient, à petite secousse,
Des dentelles, des cœurs, des âmes, du satin…

Mais ton rêve rejoint dans l’infini, la Muse
Aux ailes de clarté qui d’un souffle inspirait
L’ange de la Douleur, par elle ceint de rose,

Schumann, Raphaël noir, dont la voix grave et tendre
Console, en la berçant des maux qu’elle pleurait,
L’âme en mourir d’amour qui renaît de l’entendre.


PORTRAIT

À ma sœur Henriette.

Ton profil un peu grave et hautain qui se fond,
Délicate blancheur, dans l’ombre qu’il éclaire,
Ranime autour de toi le passé légendaire
Dont l’aventure dort en ton regard profond.

Et ton âme en beauté s’abandonne au mystère
De la musique étrange et douce que lui font,
Baignés d’azur, avec une étoile à leur front,
Les poètes rendus à la pure lumière.

Ronsard berce ton rêve aux accents de sa voix ;
Racine chante ; et, belle, un edelweiss aux doigts,
La Loreley t’offre son cœur dans un sourire…

Mais plus haut, Lamartine, isolé comme un dieu,
Songe à la fille de Sorrente, et dans tes yeux
Retrouve les diamants dont elle orna sa lyre !