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Puis :

— Assise !… fit-elle… Assise !… afin de l’empêcher de répéter « bonne année » à perpétuité.

Alors on changea de conversation.

— Tes filles ont engraissé, Pulchérie, débuta-t-elle… Tiens… Comment donc s’appelle déjà celle-là qui a une taille de carabinier et des cheveux jaunes ?

— Clara, ma tante Cottineau… Rappelle-toi… Tu la faisais danser autrefois sur tes genoux…

— Elle ferait un fameux militaire… Un vrai homme… Il ne lui manque que des moustaches… Ça viendra ! — Et celle-là… continua-t-elle, désignant Sophie… On l’appelle Gertrude, n’est-ce pas ?

— Non. Sophie, ma tante… C’est Sophie…

— Gertrude lui irait mieux… J’aimerais mieux Gertrude… Si tu m’avais demandé d’être marraine au baptême, ma fille, j’aurais choisi Gertrude… Sophie, c’est comme Joséphine… Il n’y a que les cuisinières qui s’appellent Sophie !…

— Que veux-tu !

— Et celle-là qui m’a offert les chocolats que Terpsichore et Pepito sont en train de croquer avec leurs gencives, car ils n’ont plus de dents ni l’un ni l’autre… c’est Juliette, hein ?

— Oui… Juliette !

— Eh bien ! mes enfants, vous ferez bien de la soigner… Croyez-m’en… Je possède le coup d’œil… Elle a tout ce qu’il faut pour devenir poitrinaire… Je ne lui donne pas deux ans à vivre avec cette figure là.

— Pourtant elle se porte bien, ma tante… je t’assure…

— Mes amis… J’ai dit. Faites ce que vous voudrez. Je n’insiste pas !

On changea une seconde fois de conversation. Soudain :

— Et votre petit garçon qui a si mal tourné ?… Vous savez bien… vous savez bien, Bidoure… Ce n’est pas la peine de me regarder avec de tels yeux et de prendre l’air étonné !

— Nous n’avons jamais eu de petit garçon qui ait même bien tourné, ma tante, prononça Mme  Bidoure,… à notre grand regret !

— Et le nom des Bidoure, appuya Monsieur gravement, menace de s’éteindre grâce à ce manque de postérité mâle !

— Mais, rappelez-vous… Robert,… le petit Robert,… qui avait une figure de fille,… et qui a volé !

— Nous n’avons jamais eu de fils de ce nom ni d’un autre, ma tante ! Qui ait volé !… Vous feriez mieux de ne pas réveiller d’anciennes douleurs à ce sujet, croyez-nous !…

— Pourtant… Je n’ai pas la berlue… le petit Robert…

— Vous confondez avec le malheureux Robert Bertinet, sans doute, le fils de l’intendant militaire !…

— Ah oui !… C’est vrai !… Il ne faut pas m’en vouloir !… J’en ai tant vu, n’est-ce pas !… À soixante-dix-neuf ans !… Je suis la cadette de sept ans de Terpsichore, qui est complètement gâteuse, et ressem-