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mes petites amies qui avait les pâles couleurs, qui en a été toute changée.

— Ou de l’émulsion Scott… appuya Sophie… C’est très à la mode… On la voit, avec les portraits de ceux à qui elle a réussi, à la quatrième page des journaux !

— Nulle tisane des Shakers et nulle émulsion Scott ne saurait soulager mes peines !… gémit la tante désabusée…

Et M. et Mme Bidoure, voyant qu’il n’y avait décidément pas moyen de l’arracher à cette douleur croissante, surtout de lui faire changer de conversation, résolurent alors de la quitter.

— Nous ne voulons pas vous retenir plus longtemps,… fit Madame… car nous craindrions de vous fatiguer !

Dans l’état de santé où vous êtes,… fit Monsieur… ce nous est un devoir… un devoir sacré… de ne pas abuser !

— Voilà ce que je craignais… se lamenta-t-elle… À peine arrivés, vous êtes déjà pressés de partir… Ah ! l’on ne s’amuse guère avec une vieille abandonnée comme moi !…

— Si !… Si !… ma tante !… beaucoup…

— Beaucoup, ma tante !

— C’est un grand bonheur pour nous de te voir, je t’assure…

— Un grand bonheur ?…

— Nous reviendrons !

— L’année prochaine !… fit-elle.

— Plus tôt !

— Allez ! Allez ! Je ne veux pas insister !… Je vois d’ailleurs que vous êtes pressés !… Et puis, je sais bien qu’avec mes infirmités et mes douleurs, je ne suis pas un objet de ragoût,… pour les jeunes !… Que je ne vous gêne pas !… Allez-vous-en !


Tous les Bidoure descendirent donc l’escalier, puis remontèrent dans leur quatre places, repassant par les petites baraques des boulevards, et se dirigeant au fin fond de la rive gauche, vers la maison de retraite où se trouvait leur deuxième tante, la très vieille Cottineau, et sa plus vieille encore demoiselle de compagnie, Terpsichore.

Juste comme ils débarquaient devant les murs blancs de cette silencieuse maison de retraite, Juliette marchant devant et portant la souris modique, ils y aperçurent le quatre places des Lemur arrêté déjà.

— Enchanté, fit Norbert, surgissant tout à coup et de son ton badin précédent… Permettez-moi de vous présenter pour la troisième fois mes souhaits !…

— Nous vous présentons pour la troisième fois les nôtres, mon cher Norbert,… fit Mme Pulchérie.

— Mon petit Pulcho, dit Mme Lemur, ce qu’il fait chaud chez la tante Cottineau !… C’est à éclater !…

— Nous n’y resterons pas longtemps, voilà tout…