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ment prolétarien n’ont pas été critiqués en un débat dogmatique, la déviation dans la pratique étant manifeste, — tandis qu’outre-Rhin ou ailleurs, c’était par les attaques doctrinales que le schisme commençait.

Le trait capital de l’histoire du socialisme depuis 1895, c’est la réaction anti-marxiste. Il y a retour sur les idées qui, après l’effondrement de la Commune de Paris, la fusion des fractions germaniques et la disparition de l’Internationale, passaient pour le fond collectif et inébranlable de toutes les organisations constituées. Cette marche régressive se marque dans le domaine de la discussion pure ; elle s’affirme aussi sur le terrain politique. Ce qu’on prétend imposer aujourd’hui, consciemment ou non, c’est l’abandon du programme directeur, qui fut si longtemps la force, le réduit du socialisme, et par suite la résurrection des périodes inorganiques et chaotiques de 1848 et de 1870.

II. Trois écrits de longueur et de portée diverses ont consacré et mesuré la réaction anti-marxiste. L’article de Vandervelde intitulé le Cinquantenaire du Manifeste communiste (Revue socialiste), l’article de Van Kol : À bas les Dogmes (Revue socialiste), et enfin le volume de Bernstein[1] récemment traduit : Socialisme doctrinal et Social-démocratie pratique. Mais, à la vérité, c’est ce dernier ouvrage, résumé et résultat de recherches laborieuses et souvent intéressantes, en dépit de leurs conclusions, qui a inspiré et nourri les autres publications. Depuis le Congrès de Hanovre, il est devenu par les commentaires dont il a été enveloppé, la formule la plus achevée du socialisme opportuniste et réformiste. C’est donc de préférence ses développements que nous synthétiserons et que nous discuterons ici, tout en nous référant, quand il y a lieu, aux essais de Vandervelde et de Van Kol.

Le marxisme se présente comme une doctrine arrêtée, aux contours nettement délimités, aux déductions progressives. Il a donné naissance, surtout depuis dix ans, à une très riche littérature ; il a pénétré invinciblement, et en raison même de l’unité et de la rigueur de ses vues, tous les travaux collectifs ou individuels, officiels ou officieux du socialisme. Les éléments s’en trouvent dans le Manifeste des Communistes de 1848, dans le Capital de Karl Marx, dans les nombreux articles d’Engels. À une date très récente, il a été présenté avec une rare puissance d’exposition dans le livre de Labriola : Essai sur la conception matérialiste de l’Histoire. Enfin, pour passer sur un terrain plus pratique, il triomphe dans tous les programmes des partis ouvriers, dont il a dicté les considérants.

Les traits dominants, les éléments fondamentaux de la doctrine marxiste[2] sont : 1o la loi d’airain des salaires déjà formulée avant Lassalle par certains économistes d’outre-Manche et qui se for-

  1. Stock, éditeur.
  2. Elle a été brillamment exposée aussi dans le volume d’Andler sur le socialisme allemand.