Dimanche. — Été à la messe de 11 heures, Mère et moi, il pleuvait à torrents, nous y sommes allées en voiture. Vu encore les personnes désagréables, elles avaient des chapeaux nouveaux, mais quels chapeaux : des bérets de velours chaudron à plumes écarlates, quel goût pour des Parisiennes, mon Dieu ! Aperçu aussi Marthe Gérard et sa gouvernante : elle m’a salué de la tête très aimablement…
De « la Localité » :
… Le budget de 1900 s’équilibrera avec cinquante millions d’impôts en augmentation sur le précédent exercice. Voilà le résultat le plus clair, le plus net, auquel devait aboutir l’impéritie de nos gouvernants. Sera-t-il permis de se demander alors à quoi bon envoyer à la Chambre des gens qui sont censés représenter et défendre nos intérêts, si le premier de nos intérêts, qui est notre bourse, se trouve entre leurs mains aussi mal gardé et lésé ? Il nous semblait que le devoir essentiel d’un député honnête et conscient des obligations de son mandat, serait de monter à la tribune et de crier : — Halte-là ! Le pays a assez de ce régime de bon plaisir, il a assez de servir de proie quotidienne aux sangsues de toute sorte qui l’épuisent et qui l’oppriment, sous prétexte de l’administrer : halte-là, vous dis-je ! — Mais sans doute sommes-nous bien naïfs ! Lorsqu’une majorité faussée, ou aveuglée, fait un député d’un Martin-Martin, je suppose que personne ne doit s’attendre à ce que le Palais-Bourbon retentisse de pareils accents, éloquents et vengeurs. Les électeurs de Martin-Martin ont ce qu’ils méritent : qu’importe que leur bas de laine se vide jusqu’au dernier écu, leur cher député ne s’en portera pas plus mal ; il est à Paris, confortablement installé, il peut se promener sur les boulevards, boire des bocks, aller aux Folies-Bergère, il visitera à l’œil l’Exposition universelle : qu’est-ce à côté de cela que cinquante millions d’impôts ? Et puis il faut bien que quelqu’un paie les vingt-cinq francs par jour qui lui sont alloués pour ses frais de cigares…
P. c. c.
Franc-Nohain