Et nous comptons sur les travailleurs de France pour répondre à notre appel, en signifiant à ceux qui tenteraient encore de les détourner de leurs intérêts et de leur devoir de classe, que l’heure des dupes est passée…
Ce manifeste était signé, pour le Parti ouvrier français, par les membres du Conseil national, pour le Parti socialiste révolutionnaire, par la Commission administrative, pour l’Alliance communiste révolutionnaire, par les secrétaires et les élus. Qui lisait innocemment les signatures pouvait ne pas remarquer, modestement rangés à leur place alphabétique, les noms de Jules Guesde et de Paul Lafargue parmi celles du Conseil national du Parti ouvrier français, le nom d’Édouard Vaillant, député de la Seine, parmi celles de la Commission administrative du Parti socialiste révolutionnaire. Il n’en était pas moins vrai que c’étaient ces trois hommes, à peu près seuls, qui avaient tout fait.
L’éclat était inattendu. Mais le ressentiment secret datait de loin. Dès le commencement de l’affaire Dreyfus, le Conseil national du Parti ouvrier français avait décidé que les vrais socialistes ne s’en occuperaient pas ; selon une comparaison agréablement empruntée à l’ancien combat judiciaire, on décida que l’on marquerait les coups ; quelques personnes, tout de même, ayant poliment demandé des explications, le Congrès national annuel du Parti ouvrier français, réuni à Montluçon, après une discussion où la majorité se montra d’une intolérance révoltante, décida que le Conseil national avait bien décidé.
Cette encyclique et ce décret n’empêchèrent nullement l’immense majorité de l’armée guesdiste, aussitôt qu’elle eut échappé au regard de son chef, d’accompagner dans la bataille de tous les jours les camarades socialistes si rudement engagés. Longtemps le vieux maître se consola en laissant paraître dans son Socialiste hebdomadaire les chroniques aigres, insanes, mauvaises, de M. Charles Bonnier.
Pareillement M. Vaillant, dès le grand meeting du Tivoli-Vaux-Hall, où il parla pour l’union socialiste, comme on pense, avait, dans le privé, fait défense expresse à Jaurès de réunir les délégués de tous les groupes socialistes pour leur exposer l’affaire Dreyfus ; il avait menacé Jaurès d’un manifeste. On voit que le manifeste récent n’est pas le résultat d’une improvisation. Inutile d’ajouter que les blanquistes ne lâchèrent pas plus les camarades en danger que les guesdistes ne les avaient lâchés. Donc le chef des blanquistes, vieillissant, ne se consolait pas, quand l’incident Galliffet lui fournit le prétexte attendu. On sait le reste.
Le manifeste eut dans cette France ouvrière et socialiste à laquelle il était adressé un pénible retentissement. Les personnes renseignées le nommèrent immédiatement du nom qui lui restera : le manifeste Guesde-Vaillant. Tout le monde comprit qu’il était personnellement