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COROT ET LES IMPRESSIONNISTES 131

SISLEY Une rue à Louveciennes (0m38 × 0m54)


accords si violents que brutaux et s'oublie à des nuances délicieuses. Pissarro dont le temps blondit l'âpreté, dont la saveur s’irrise jusqu’à l’âcreté, mais qui a des timbres aussi d’une mollesse adorable et d’une tendresse caressante. Sisley, dont les horizons d'azur, les enveloppements bleus, les surfaces tendres des terrains blonds sont la grâce et la douceur mêmes. Mais comment d’ailleurs qu’on réussisse à interpréter en mots les prestiges rares de leurs matières, quel autre souci découvre-t-on dans leur œuvre que matériel — ce qui ne veut pas dire, bien au contraire, qu'elle n’ait pas sa traduction abstraite ? Non pas les chefs-d'œuvre de la tradition italienne du paysage historique, c'est Jongkind, qui vient d’Isabey, Turner, qu'émervéilla Gelée, ce sont les Japonais qui leur ont ouvert les yeux. Mais au lieu qu’ils s’embarrassent d’on ne sait quelle poésie, d'on ne sait quel lyrisme qui ne peut être que bien indirectement le fait de leur art ; au lieu qu'ils imaginent qu'il puisse y avoir une plus réelle ou plus directe représentation des objets que par exemple dans les plus anciennes tapisseries 一 différente si l'on veut, mais pas en progrès sur elle — des feuillages ou des architectures, leurs efforts vont uniquement à varier leurs formes, à en changer, à fortifier, à assouplir, à nuancer, à éprouver leur palette.

Il semble qu’il faille pour parler de Renoir user d'un ton différent. Paulo majora... Celui-là est un peintre unique, un artiste divin. On n'en trouve pas d’autre dont la maîtrise étourdissante — son naturel arrive à paraître ingénu — réussisse à se jouer à la fois (bornons-