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intact ; M. Ollé-Laprune, introduit dans la maison par la réaction momentanément victorieuse, n’y a eu, jusqu’à sa mort, aucune influence : M. Brunetière, critique littéraire, y a eu des élèves, mais M. Brunetière, devenu évêque du dehors, sait pertinemment qu’il ne peut pas, et nous employons cette expression au sens exact, y remettre les pieds.

Le mal est grand, sans doute. Alors pourquoi nous quereller sur la précellence des remèdes ? Pourquoi déprécier les remèdes voisins ?

Nous venons tous de constater avec effroi que l’enseignement nous a perverti des générations entières. Dans cette perversion générale nous avons reconnu que la vieille Université, fidèle au meilleur de son passé, prête au meilleur de son avenir, est demeurée, sans être parfaite, à beaucoup près la meilleure maîtresse de vérité. Que l’on réforme ses programmes, soit ; que l’on donne à son personnel toute la liberté qu’il mérite ; que les bons travailleurs intellectuels qui en sont le cœur en deviennent tout le corps ; mais qu’on ne croie pas que cela suffise : les bons Pères enseigneraient mieux que nous l’esprit universitaire, car ils sont capables de toutes comédies. Un examinateur à l’École navale s’étonnait que les élèves de certaine école préparatoire lui répondissent comme par hasard ce qu’il avait mis dans ses livres — « Oh monsieur », dit le bon Père, « s’il y avait dans vos livres que les Pyrénées sont un fleuve, nos élèves en sauraient les affluents. »

Que l’Université donc devienne tout à fait ce qu’elle est déjà mieux que personne, et ainsi elle n’aura rien à redouter d’une concurrence loyale ; mais puisque la concurrence d’Église est irrémédiablement déloyale, que l’on supprime aussi la loi Falloux, gardienne instituée pour la défense de cette concurrence déloyale. Et enfin si la concurrence déloyale se faisait toute occulte, alors, que l’on vote les lois nécessaires de salubrité : les commissions d’hygiène ont droit de pénétrer dans le privé des citoyens.

Telle sera l’action légale, nécessaire, et insuffisante elle-même si elle n’est pas comme entourée d’une action morale invinciblement intense et pertinace.

Il ne s’agit pas d’opposer dans des raisonnements indéfinis la liberté au monopole. Tout ce qui sera donné au monopole sera ainsi enlevé à la liberté, c’est entendu : ainsi le veut le respectable principe d’identité. Mais, s’il vous plaît, de quelle liberté parlons-nous ? — De la liberté de ceux qui enseignent. — Tout le contre sens est là. Il n’y a dans toute cette question qu’une seule liberté qui vaille, qui soit à considérer, à respecter, mais elle est à respecter toute : la liberté de ceux qui sont enseignés. Et le commencement de cette liberté est que ni leur personne morale ni leur personne intellectuelle ne soient déformées par l’industrieuse déformation des Jésuites.