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Et M. Fernand Rabier est un des plus audacieux. « Il y a quatre cents députés », disait-il à un électeur au temps de l’élection, « il y a quatre cents députés qui savent que Dreyfus est innocent ; mais il y en a bien peu qui osent le dire tout haut, comme moi. » Toute cette audace fut impuissante contre la loi Falloux.

Les radicaux avaient contre eux tous les partisans du libéralisme ; ils avaient contre eux les disciples de Veuillot partisans du libéralisme des autres ; ils avaient contre eux les partisans du libéralisme à tort et à travers, comme M. Aynard ; ils avaient contre eux les partisans du libéralisme autoritaire, proprement appelé libéralisme auvergnat, à cause de M. Charles Dupuy.

Les radicaux avaient contre eux certains radicaux de la meilleure marque : un radical assez connu, M. Alexandre Millerand, qui se trouvait là, — et, pour qui le connaît, cela seul suffit à prouver que la séance ne serait pas compromettante, — fit spécieusement dévier le débat sur la question de la séparation des Églises et de l’État, ce dont M. de Mun le remercia fort à propos. Tout le monde y mit du sien. M. le Président du Conseil promit la loi sur les associations. M. Pierre Baudin reprochait surtout à la proposition son caractère improvisé.

Il est certain que M. Levraud avait un peu donné l’impression qu’il se croyait encore au Conseil municipal, où il présidait la quatrième commission, celle de l’enseignement. Or le Palais-Bourbon n’est pas l’Hôtel-de-Ville : au Conseil, les radicaux-socialistes, qui disposent d’une écrasante majorité, votent comme un seul homme les vœux qu’on leur propose ; à la Chambre, ils sont en minorité, ce qui les déconcerte, et leurs vœux sont des lois, ce qui les intimide. C’est pour cela que d’assez bons conseillers font souvent de mauvais députés.

M. Pierre Baudin propose donc, préalablement, une réforme de l’Université ; c’est aussi une réforme de l’Université que nous a proposée M. Victor Augagneur, de Lyon, dans un journal où écrit M. Baudin. M. Victor Augagneur ne croit pas que le lycée soit plus que le séminaire une école d’émancipation, pas plus d’ailleurs que les Facultés d’enseignement supérieur.

« Pensez-vous », écrit-il, « que beaucoup de jésuites aient été plus jésuites que ne le fut M. Ollé-Laprune, professeur à l’École normale, et que les Facultés catholiques de province appelaient comme conférencier les jours de grand gala ? Pensez-vous que beaucoup de jésuites soient plus jésuites que M. Brunetière, professeur à l’École normale, et qui prêche aujourd’hui, devant le Congrès de la jeunesse catholique, à Besançon, sur le « besoin de croire » ? Pensez-vous que la suppression de la loi Falloux changerait quelque chose à l’esprit des jeunes gens saturés d’Ollé-Laprune et imprégnés de Brunetière ? »

Nous pouvons rassurer M. Victor Augagneur : l’Université n’est pas aussi atteinte qu’il s’imagine ; en particulier « notre grand séminaire laïque », — c’est ainsi qu’il nomme l’École normale, — est resté