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— Eh bien ! dit Catherine, si la maison était mienne, je ne me tiendrais pas ailleurs qu’ici… Oh ! parmi les arbres, quelle délicieuse chaumière ! Mais ce sont des pommiers ! Oh ! c’est la plus jolie chaumière…

— Vous l’aimez ? Vous l’approuvez comme détail dans le paysage ? Il suffit… Henry, souvenez-vous. On avait dit à Robinson… Mais maintenant la chaumière reste.

Une amabilité si directe rendit Catherine circonspecte, et, dès lors, silencieuse. Quoique instamment invitée par le général à choisir la couleur dominante du papier et des tentures, rien qui ressemblât à une opinion ne put être tirée d’elle. Son embarras persista jusqu’à ce que l’on fût au grand air et en présence de spectacles nouveaux. Une avenue créée, six mois auparavant, par Henry, et qui longeait deux des côtés d’un pré, l’émerveilla, quoiqu’il n’y eût là nul arbre qui passât un arbuste en grandeur.

Une flânerie à travers les prairies et le village, une visite aux écuries où il s’agissait de constater des perfectionnements, une amusante partie avec une nichée de jeunes chiens capables tout au plus de rouler sur eux-mêmes, — et il était quatre heures. (Catherine croyait qu’il était trois heures à peine.) À quatre heures, on devait dîner ; à six, repartir. Jamais jour n’avait été si bref.

Elle remarqua que l’abondance de la chère ne paraissait causer au général aucun étonnement, et qu’il cherchait même des yeux, sur la table voisine, la viande froide qui ne s’y trouvait pas. Les observations de son fils et de sa fille furent différentes : ils l’avaient rarement vu manger de si bon cœur à une autre table que la sienne, et ne l’avaient jamais vu permettre avec tant de mansuétude au beurre fondu d’être huileux.

À six heures, le général ayant pris son café, ils remontèrent en voiture. Il avait eu pour Catherine des attentions à ce point flatteuses et caractéristiques que, si les desseins du fils n’eussent pas été plus obscurs, elle eût quitté Woodston sans que la rendît bien perplexe cette question : quand et dans quelle circonstance y reviendrait-elle ?


XXVII

Le lendemain arrivait cette lettre d’Isabelle :

Bath, avril.

Ma très chère Catherine, j’ai reçu vos deux gentilles lettres avec le plus grand plaisir, et j’ai à vous adresser mille excuses de n’y avoir pas répondu plus tôt. Je suis vraiment honteuse de ma paresse. Mais, en cet horrible lieu, on ne trouve le temps de rien faire. J’ai eu la plume en main pour commencer une lettre, presque chaque jour, depuis votre départ de Bath ; mais j’ai toujours été empêchée par quelque importun. Écrivez-moi bien vite, je vous en prie, et adressez votre lettre chez moi. Dieu merci, nous quittons cette insipide ville demain. Vous partie, je n’y ai eu aucun plaisir ; il y a ici une poussière intolérable et chacun s’occupe de son départ. Je crois que si je pouvais vous voir, tout m’importerait peu, car vous m’êtes chère au-delà de toute expres-