ney et de son père dans une loge la fit de nouveau anxieuse. La pièce désormais ne captivait plus son attention. Ses regards allaient vers la loge, et, pendant deux scènes, elle chercha vainement à croiser le regard de Henry Tilney. On ne pouvait certes plus prétendre qu’il n’aimât pas le théâtre : son attention, pendant ces deux scènes-là, ne s’était pas détournée des planches. À la fin cependant, il regarda Catherine, salua, mais quel salut ! Il ne sourit pas, ne continua pas à la regarder ; derechef, ses yeux se fixèrent sur les acteurs. Catherine était infiniment malheureuse. Pour un peu, elle se fût rendue à la loge qu’il occupait, le forcer à entendre une explication. On voit que son âme n’avait pas la roideur héroïque : au lieu de se pavoiser de ressentiment, de laisser la peine d’éclaircir les faits à qui lui faisait l’injure de douter d’elle et de le punir en l’évitant ou en fleuretant avec un autre, elle assumait la responsabilité des apparences et cherchait l’occasion de se justifier. La pièce finit ; le rideau tomba : seul restait dans la loge M. Tilney père. Peut-être Henry se dirigeait-il vers la loge de Catherine. Et, en effet, voilà qu’il apparut, se frayant un chemin à travers la foule déjà raréfiée. Il parla du même ton de politesse calme à Mme Allen et à Catherine. Mais Catherine :
— Oh ! monsieur Tilney, je puis donc vous parler et vous faire mes excuses. Vous avez dû me croire si impolie… Mais vraiment ce n’était pas ma faute, n’est-ce pas, madame Allen ? Ne m’avaient-ils pas dit que M. Tilney et sa sœur étaient sortis en phaéton ? Que pouvais-je faire ? J’aurais, mille fois, préféré être avec vous. N’est-ce pas, madame Allen ?
— Ma chère, vous chiffonnez ma robe, fut la réponse de Mme Allen.
L’affirmation de Catherine substituait seule. Elle amena un sourire plus cordial sur les lèvres de Henry Tilney, qui répondit, non sans l’affectation d’une légère réserve :
— Nous vous avons été très obligés quand même de nous avoir souhaité bonne promenade, après nous avoir croisés dans Argyle Street : vous avez eu l’amabilité de regarder vers nous, à cet effet.
— Mais… je ne vous ai pas souhaité bonne promenade. Non, non ; dès que je vous ai vus, j’ai supplié M. Thorpe d’arrêter le cheval. Dites, madame Allen, n’ai-je pas… Ah ! vous n’étiez pas là… Mais c’est vrai, je l’ai supplié. Et si M. Thorpe avait consenti à arrêter son cheval, je sautais de la voiture et courais après vous.
Est-il au monde un Henry qui eût été insensible à une telle déclaration ? Henry Tilney ne le fut pas. Avec un beau sourire, il dit tout ce qui devait être dit touchant sa sœur : regrets… certitude que la conduite de Catherine serait expliquée…
— Oh ! ne dites pas que Mlle Tilney n’est pas fâchée, s’écria Catherine ; je sais qu’elle l’est : elle n’a pas voulu me recevoir ce matin, et je l’ai vue sortir un moment après. Cela m’a attristée, pas offensée. Peut-être ne saviez-vous pas que c’était moi.
— Je n’étais pas à la maison, mais j’ai entendu Éléonore souhaiter