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dés par des officiers spéciaux, les étudiants montreraient moins de répugnance. Le prestige d’un uniforme élégant achèverait de les convaincre. Il paraît d’ailleurs juste que les familles les moins aisées profitent exclusivement de la réduction générale du service militaire, et que les familles aisées supportent les charges plus lourdes du service de cinq ans. Les conscrits des corps de cavalerie, les conducteurs d’artillerie, seraient donc recrutés parmi les fils de citoyens payant des contributions élevées, et ceux de l’infanterie parmi les fils du prolétariat. L’Empereur désire, Monsieur le Ministre, qu’un projet de décret soit rédigé dans cet esprit, et lui soit présenté le plus tôt.

Le Major général, prince
de Neuchâtel


XXXIV
L’EMPEREUR À MONSIEUR LE PRINCE DE BÉNÉVENT

Mon cousin, on me dit qu’un diplomate en résidence à Bruxelles, aurait fait savoir à S. A. le prince de Monaco son désir de lui transmettre une communication importante, au cas où S. A. passerait par cette ville, et que le prince, flairant une invitation détournée de l’Empereur Guillaume, se serait aussitôt rendu près de ce diplomate, lequel l’aurait engagé à prendre l’express de Berlin. Ainsi fut fait.

À Berlin, l’Empereur accueille merveilleusement le voyageur et le prie à dîner. Pendant le dîner, Hohenzollern se fait apporter des dépêches rapportant les paroles du général de Pellieux qui menaçait le jury de guerre, lors du procès Zola. L’Empereur feint une grande colère, se lève de table, passe dans son cabinet, et déclare qu’il écrit à Félix Faure pour lui enjoindre de faire cesser de telles sottises. Le prudent monsieur de Bülow est aux abois. Que va-t-il résulter du courroux impérial ? L’on sait bien, sur les bords de la Sprée, que l’état-major de France ne reculerait pas devant la guerre pour avoir raison et imposer silence à ses adversaires de l’intérieur. Notre Bülow de supplier S. M. l’Impératrice et le prince de Monaco pour qu’ils interviennent. On entendait le courroux du souverain à travers les portes. L’Impératrice finit par se décider. Elle entre chez son époux, l’apaise. Celui-ci consent à déchirer la missive, mais sous la condition que le prince de Monaco, l’ayant lue, en récite le contenu à Félix Faure. Monaco promet. Dans cette lettre, l’Empereur Guillaume affirmait que son bureau de renseignements possède une dizaine de bordereaux envoyés par Esterhazy pareils à la prétendue preuve contre Dreyfus et non moins insignifiants. S. A. le prince de Monaco gagne aussitôt Paris, explique le cas au Président, qui le prie d’attendre sa réponse jusqu’au lendemain, après le Conseil des ministres. Le lendemain, quand le prince se présente, il trouve porte close et visage de bois. S. A. s’en va, furieuse, et conte l’histoire un peu partout. Il conviendrait, mon cousin, que vous puissiez me renseigner exactement sur tout cela, et me faire savoir si c’est invention ou vérité.