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parlementaire aux généraux chargés, en votre région, de la défense nationale, et vous leur proposerez un armistice dans les termes suivants. Vous invoquerez les raisons patriotiques qui s’opposeraient à dégarnir la frontière de troupes, vous déclarerez que nulle attaque de votre part ne menacera leurs lignes et positions tactiques occupées contre l’ennemi du dehors, s’ils consentent à la libre circulation de nos régiments, bataillons, compagnies et batteries, s’ils évacuent les villes et les bourgs, s’ils concentrent leurs unités sur le versant des Alpes. En retour vous assurerez le ravitaillement de leurs colonnes et pourvoirez aux besoins de leurs brigades. Cet arrangement peut n’être pas accepté d’abord. Vous renouvellerez la proposition, après les premières hostilités.

Le Major général, prince
de Neuchâtel


XXXI
L’EMPEREUR À M. MÉLINE

Monsieur Méline, il faut éclaircir cette affaire Dreyfus avant les élections. Il est trop naïf de croire qu’elle ne sera point discutée dans les réunions publiques. Les haines et les conflits s’exaspéreront inutilement. Le procès n’a dissipé aucune équivoque. Nous savons seulement que l’on a condamné, en dépit de toute garantie légale, sur une pièce secrète non communiquée à la défense, ni au prévenu. Nous savons que cette pièce secrète était une lettre saisie et contenant pour toute preuve une phrase : « Cette canaille de D… devient par trop exigeant », phrase falsifiée puisqu’on avait ajouté reyfus au D. Qu’un tirailleur algérien ait menacé de passer son sabre au travers de plusieurs ventres si on applaudissait l’avocat ; que des hordes de militaires en costume civil armés de lourdes cannes aient été introduites dans la salle d’audience, préalablement, pour manifester en tumulte par espoir de bonnes notes ; que le sieur Guérin et ses bouchers aient assommé à droite et à gauche, en dansant à la manière des nègres ; que des étudiants catholiques et de jeunes stagiaires aient mêlé leurs vociférations écolières à celles des soldats ; qu’un peuple trompé par des mensonges absurdes ait hurlé à la mort ; que des gens de la police aient payé des voyous pour crier : « Vive Zola — et à bas la patrie » afin d’exciter la rage de calicots, sergents de réserve, de ces patriotes aussi qui se garderaient bien de voter en faveur d’un candidat demandant sur ses affiches électorales : « la Revanche immédiate », de ces patriotes qui emploient les vils moyens pour éviter d’accomplir leurs périodes d’instruction militaire ; — tout cela n’avertit point de façon suffisante l’esprit des honnêtes gens. C’est la mise en scène de la foire capable de convaincre un populaire niais. Revenus du Dahomey, ces militaires en rapportent les manières de Béhanzin.

Qui effarent-ils, outre les huit pauvres jurés abêtis par les contradictions des experts, les rodomontades des généraux, et la crainte