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ébranlé le principe individuel et absolutiste de la propriété, il est constant aussi qu’il a travaillé à transformer le capital et à en faire une puissance collective et anonyme. L’Allemand qui a le culte de l’Ur-Deutsch assiste révolté aux opérations financières élaborées à Berlin. Il est évident que, si le capital allemand se solidarise avec les capitaux des autres nations, s’il s’internationalise, son détenteur suit l’impulsion, et le grand grief fait aux financiers juifs, en dehors de toute critique des opérations d’argent en elles-mêmes, c’est qu’ils tendent à dénationaliser l’Allemagne et aussi à forcer les peuples aux relations pacifiques en enchevêtrant leurs intérêts inextricablement. Compensation heureuse aux déprédations du capitalisme. Par une ironie des choses, c’est chez le peuple qui tient le plus à conserver sa nationalité que l’internationalisme a le plus de chances d’avenir. La pénétration se fait en haut par le capital, en bas par le socialisme.

Que veulent les antisémites ? La continuation de la marche de l’Allemagne dans les voies ouvertes en 1866 et 1870 « par le fer et par le sang », l’État comme machine formidable élevée au-dessus du droit individuel, le Germain maintenu pur de tout mélange et investi du droit, de la mission historique d’anéantir les races voisines de civilisations antérieures et dégénérées.

Demain les Maîtres vaincront les Esclaves et la « Morale des Maîtres » déplacera la « Morale des Esclaves », morale judaïco-chrétienne.

Car demain appartiendra aux grandes guerres, c’est de Moltke, c’est Treitschke, c’est Nietzsche qui le proclament.

Demain, c’est le sanglant épanouissement de la « bête blonde ».

Comme un danseur dans la bataille

Entre les guerriers le plus joyeux

Entre les vainqueurs le plus dur.

Si M. Drumont au lieu de chercher ses inspirations dans les inscriptions de nos vespasiennes — vox populi ! — voulait s’élever à une vue philosophique des choses de notre temps, peut-être serait-il moins acharné contre cette race — si race il y a — qui sert en Allemagne de véhicule à nos idées libérales, qui par son cosmopolitisme détruit sourdement l’esprit militaire, éteint la furor teutonicus, et nous laisse entrevoir moins inaccessible l’idéal d’une entente internationale sur le terrain du travail.

Henri Lasvignes