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esprits que le jugement qui condamnerait Moreau à une peine légère lui sauverait la vie, tandis qu’en cas d’absolution, il subirait le sort même de Pichegru proprement expédié dans sa prison par les mameluks. Alors ils se rendirent à nos raisons. Aujourd’hui il vous serait moins facile de persuader militairement. Songez que j’avais pu, dès mon installation au Consulat, supprimer les journaux d’avis contraire, sans que personne dans Paris, non plus qu’ailleurs, y redit. Et Moreau était soutenu. J’ai dû faire rayer des cadres de l’armée quantité d’officiers trop occupés de sa justification. On s’agitait au camp de Boulogne. Sur ce, je prie que Dieu vous ait en sa sainte et digne garde.

N.


XVI
L’EMPEREUR AU SÉNÉCHAL FLAISSIÈRES
22 janvier 1898.

Une armée qui a des chefs comme celle-ci n’est pas redoutable. L’état-major appartient encore aux promotions qui lâchèrent pied devant les Prussiens de Wissembourg à Sedan et à Buzenval, malgré les exemples stratégiques de mes campagnes. Ils n’acquirent d’autre gloire qu’à la Semaine sanglante, en accordant à leurs hommes de dévaliser les fédérés mis à mort. Contre les Chinois, ils ont passé dix ans à ne point conquérir le Tonkin, alors que les Japonais ont battu naguère les mêmes troupes en quelques semaines. Leur honneur et leur intelligence cahotent dans les voitures Lefèvre de Madagascar. Le moindre de nos licenciés ès-mathématiques saura mieux prévoir que Bazaine ou Négrier ; et le moral de nos soldats luttant pour la liberté sociale, pour la liberté religieuse, aura vite raison du troupeau incohérent mené par de pareils ânes à la défense de ce qui semble l’Injustice. Si Mac-Mahon avait seulement été capable de lire le récit de ma campagne de Wagram, ou de celle d’Iéna, il n’aurait pas commis des fautes dignes d’un enfant. Bazaine ne savait même pas mesurer la profondeur des colonnes. Il calcula que la moitié du temps qu’il fallut suffirait au passage de ses divisions, de Borny à Rezonville. Celles-ci, pour déboucher, durent mettre le feu à leurs convois qui, envoyés au hasard, bloquaient l’artillerie dans les chemins. À Madagascar, ceux d’aujourd’hui emportèrent des voitures pour rouler sur des routes inexistantes. C’est même incurie. Lisez le commandant Rousset et Alfred Duquet. Ils vous renseigneront. N’importe qui de sensé, d’instruit et d’énergique doit obtenir de les vaincre. Donc, mettez-vous en mesure. Mon intention, si la guerre commence, est de vous donner le commandement depuis Marseille jusque Genève. Vous vous arrêterez dans la Savoie Française : et des que vous aurez pris contact avec les armées socialistes de Suisse, d’Italie, d’Allemagne, vous manœuvrerez pour tendre la main aux armées de Hollande, de Belgique, descendues avec nos mineurs de Flandre et nos Parisiens