sociale, on courait les chemins, il y avait des pays… — Autrefois, autrefois ! — On allait de ville en ville, chacune différant de l’autre… On s’essayait à mieux… — on pouvait toute sa vie recommencer sa vie.
Et il y avait la guerre !
Partir… Ah ! pour n’importe quoi, fût-ce pour le roi ! La guerre ! Refuge de ce qui restait de sauvage au cœur de l’homme, elle était demeurée longtemps ; et s’y jetaient les braves, les avides, tous ceux que la vie de morne travail dégoûtait. À présent au rancart, ruine encore debout, inutile et qui gêne, et qu’on conserve à grands frais, pour la montrer… l’armée, encore peinte sur les façades sociales, l’armée, le pire ennui, la pire servitude ! — cohue de valets, de gens d’écurie, grugeant les maîtres, entretenant mal la ferraille dont l’Etat amateur embarrasse son musée, refuge de ceux qui fuient la vie, non plus parce qu’elle est morne, monotone et sans gloire, mais parce qu’ils la trouvent dure, pas sûre, pas tranquille, et que surtout il faut s’y donner tant de mal ! bureaucratie rouge, asile pour jeunes messieurs, maison de retraite pour fatigués de la vie future, couvent de sans-vocation, soldat, soldat ! c’était la dernière lâcheté.
Alors… Plus une fissure… Monde clos. La société l’enserre, cage solide. Fais-toi escarpe, vole, tue ! Gloire ou honte, comme tu le prends, mais tu te feras prendre. Mords tes barreaux, griffe les murs… On ne sort pas. Et toi, individu, tu ne peux pas sortir de cette société-ci, ni même en soulever ce qui pèse sur toi… — qu’en la soulevant toute…
Révolution sociale !
Encore ! — il l’avait vue pourtant, déjà une fois. Il était bien petit, quand les pères avaient fait, eux, leur Révolution. Trois mois à panacher, brailler, batailler tout son soûl. On avait bien bu et gagné trente sous à rien faire ! Ça fut beau !
Ah ! sitôt écrasée, foulée et ravalée, la révolte d’un jour, la Commune de Paris !
Et ça avait recommencé pire…
Et ça ne reviendrait jamais !
Veilleuse des nuits de misère, inamovible sénateur des pensées de pauvre, vieux rêve fidèle, toujours battu, toujours de retour, après tant de roulées que l’on t’avait cru mort, tu grattais donc encore à la porte pour qu’on t’ouvre, ô Révolte ! tu soulevais les dalles de la conscience, où ton nom même, ton nom de vaincu, s’effaçait, tu poussais, dans les interstices de la tombe, tes petites fleurs d’espoir, que les bourgeois arrachaient et qui repoussaient quand même, et de ta voix cassée, vieille, de ta voix tirée d’un ventre éternellement creux, tu criais : mais aidez-moi donc, que je me relève !
Que viens-tu faire, vieux monstre ! Tu ne fais même plus peur ! Tu ne sais donc pas qu’on a maintenant des fusils Lebel ? On a bâti la tour Eiffel. Sur la butte aux canons tu ne sais pas ce qu’on a mis ? Le Sacré-