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— Non ! Non ! l’autorité ! nous forcerons au bonheur !

— Que comprendre !

— Rien. Agir.

— Alors on partagera…

— Non ! Il y aura tant que chacun prendra ce qu’il veut…

— Je veux tout ! je prendrai tout !

— À chacun selon ses œuvres !

— Non ; suivant ses besoins.

— Mes désirs sont besoins. J’ai, moi, tous les désirs.

— Même celui de nuire.

— Je vous le dis, je les ai tous.

— Dites ! on va chanter…

— Lorsque viendra le jour…

— C’est cela : Sainte Dynamite

— … de la Révolution sociale…

Que l’on danse vite !

— Tout ! tout s’arrangera…

Dynamitons ! Dynamitons

— Oui ! et en chœur ! puisque tout le monde est d’accord ! Dynamitons, dynamitons !

… Et l’on se mettait à chanter…


Cependant l’humanité souffrait toujours…


Et elle souffrait, — qu’elle souffrait ! — et s’ennuyait…

Mais elle chantait ! Sans doute, il n’y avait que ça de baume sur ses souffrances. Chanter. Dans l’ombre, la geôle… pas une lueur, que de la fenêtre grillée… pas d’espérance que la fin d’une perpétuité, — ô mort, viens donc ! — le prisonnier chante. Parler, penser, écrire, chanter aussi ! Pour qui ? Pour soi. Puis, de temps en temps, le dégoût pourrit le chant sur vos lèvres, où, périodique, écume une marée de rage. On se rue contre les murs inébranlables, en avant. Et l’on cassera toujours quelque chose, fût-ce sa tête !

— J’ai agi. J’ai fait toute ma poussée. À vous !

Oui, c’est beau, cela. Nous autres aussi, on se ruerait, on donnerait ! — si seulement le mur branlait à la poussée. Tous ! même les juges, qui te condamnent… Les riches, les bourreaux… tous ! Eux aussi on souffre, on s’ennuie… qu’on sache ! et tous iront avec toi… Iront ! — Se précipiteront. Un dogme ! Quelque chose qu’on croie. Dis, parle ! Tu as agi ! Nous buvons tes paroles, et attendons, anxieux. Tu as agi. Pourquoi ?

Mais rien ! Fumée, brouillard, après ton acte comme avant… La nuit. Idée… — Laquelle ? Terre promise ! Où ? Par qui ? Révolution sociale ! Nous attendons, eh ! bien ?

Un signal ! Je l’attends, tu ne l’as pas donné. Tu as crié le cri de la séculaire misère. Nous le connaissons, nous l’entendions en dedans de nous, alors qu’on se bouchait les oreilles pour le fuir. On ne pou-