faux pas en présentant le café aux princes les agitait d’un léger tremblement.
Soudain un eunuque passa près d’elles en criant : Destour ! destour ! (attention). Vingt à trente eunuques suivirent en courant et répétant le même cri. Les esclaves s’alignèrent, les bras croisés sur la poitrine.
Les sais, coureurs des vice-reines, s’arrêtèrent brusquement devant les marches de l’escalier d’honneur. Leurs torches de résine embrasaient la façade d’une grande lueur pourpre. On entendait le bruit désordonné de leur souille haletant. L’un d’eux, la bouche ouverte, les yeux fous, la face crispée, tomba foudroyé... On l’emporta vite ; à sa place une tache de sang rougit la dalle de marbre.
Ecrasées sous le poids de leurs bijoux, les vice-reines soutenues par des eunuques firent leur entrée dans la salle des fêtes. Les douze premières femmes portaient les plus rares pierreries du trésor ; elles étaient chaussées de hautes bottines de satin blanc dont chaque bouton était taillé dans un gros diamant, détail qui, rapporté plus tard au Sultan, le décida à augmenter l’imposition qu’il prélevait sur le viceroi d’Egypte.
Ismaél suivi des princes arriva à son tour. L’orchestre des femmes l’accueillit par un morceau fort bien exécuté, suivi des chants des chanteuses arabes et turques.
Le dîner fut annoncé par vingt-quatre jeunes femmes portant sur leurs bras des serviettes brodées d’or. Il était servi à la française. La table portait un surtout et des bouts de table en or massif couverts de pierreries ; les esclaves aux cheveux répandus sur leurs épaules, servaient en grand décolleté.
Le prince Halim, fin gourmet, avait un chef français fameux, nommé Bernard, qui s’était surpassé ce jour-là. La chère fut exquise et le dîner se prolongea un peu au-delà des limites admises par l’étiquette.
Les illuminations des jardins de Choubra, merveilleux spectacle, amusèrent un instant le Khédive, qui se montra impatient de voir une jeune danseuse circassienne, appelée Céhère, dont la réputation était récente et que le prince Halim venait d’acheter. Elle dansait pour la première fois devant ce public choisi ; quoiqu’elle ne fut point jolie elle avait un grand charme. Elle espérait plaire au vice-roi et comptait bien que, si cela se réalisait, son maître l’offrirait en présent à Ismaél.
Elle entra dans la salle du Divan sous la conduite d’un eunuque qui lui désigna le vice-roi, les princes et les princesses. Au milieu du cercle formé par la brillante assistance, Céhère arrêtée semblait hésitante et agitée tout à la fois. Chacun la regardait avec une grande curiosité ; sa poitrine se soulevait comme le flux de la mer et faisait scintiller les sequins et les joyaux dont elle était couverte.
Tout à coup elle éclaira ses yeux de désirs et s’avança en secouant les épaules avec un bruissement de serpent à sonnette jusqu’aux pieds