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Qui sait ? Peut-être une enfant, rien qu’en disant une fable, apporterait un peu de la douleur du dehors… Mais non ! Vers pleins de pitié, beaux vers attendrissants… Mais un enfant n’a pas assez de voix pour qu’on entende, sans doute… Parle, toi, Révolte, élève ta voix terrible ! En l’air, pleurards, murailles, choses, bêtes et gens… L’allégorie des fables va se faire comprendre…

Non ! pas encore. Attends que le soleil soit de la fête. Passe le printemps. Qu’encore quelques amours fleurissent. Il y a l’anniversaire d’une journée de révolte. Si ce jour-là la tombe de la révolte se couvrait de fleurs ?

Ce jour-là, radieux jour, au plus chaud du soleil, la France sort ses robes de fêtes, ses robes du temps jadis, toute son armée, pimpante, et l’on dirait toute neuve, comme si encore on s’en allait partir en guerre !

C’est beau à voir. Saint-Cyr, espoir de la nation pavane sous l’œil des mères enchantées. Des mères qui ont des fils, et friandes, trouvent beau le défilé de bataille.

Un homme commande et devant la tribune royale, la France pivote, tourne, marche, fait le chien savant…

Si ce jour-là, le cri de douleur se faisait entendre ?

À cette voix, garde à vous que l’on n’attendait pas, la manœuvre serait pour tous, chefs, spectateurs, armée, et nul ne distinguerait pour la bonne tenue dans la pirouette d’ensemble, le premier bataillon de France des Corps constitués.

Massacre, haine, vengeance, stupidité ! Plus bête que la misère et le sans-pain qui nous blesse, cette faiblesse de ne pas égaler en mépris votre arrogance, vous qui vous bouchez les oreilles…

Mais vous vous retournerez, vous entendrez quand même…

Car si pourtant, quelque atrocité que ce soit…

Si cependant, — vraiment, — il ne fallait que cela !

Quelques morts. Pour l’exemple !

L’exemple ! raison de la justice !

Est-il sûr que ce ne soit détruire que pour détruire ?

Et si pourtant c’était pour sauver la patrie !

Sauver notre patrie. Ah ! notre sang, tout notre sang ! Serait-ce trop !

Le drapeau passe. Chapeau bas. Salue cette grande idée. Ce n’est qu’un morceau de bois chiffonné de couleurs. Mais c’est une chose pour laquelle on se fait tuer, pour laquelle on est fier et heureux de mourir.

C’est la gloire, l’histoire, — dévouements, héroïsmes !

Pour sauver pas même une patrie, mais son emblème, ouvre au hasard le livre des siècles révolus ; la grêle ne précipite pas tant de grains sur les champs ensemencés, que le drapeau de morts sur les champs de bataille. Sache que nul ne s’est plaint, et que nul n’hésita, hier encore, quand dans la dernière des hautes tueries, ce maréchal duc pria des hommes de mourir pour sauver dix minutes la gloire du pays.