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Et elles se sont couchées en long, les belles armées, tout de leur long. Loin de la bataille, loin de l’ennemi, loin du foyer, sans gloire, elles vont dormir leur long sommeil pourri, tout de leur long, les belles armées anéanties.

Ressuscite, maintenant, peste au regard d’opale, toi qui verdis les faces comme l’eau trouble l’absinthe, et toi, vérole noire, qui marchant dans les rues, précédée de drapeaux sombres, pavoises les maisons d’un quatorze juillet qui rappelle un affranchissement plus définitif, et toi, le dernier-né, prompt et sûr choléra, toi qui prends les humains où ils ont le cœur, — au ventre.

Venez ! car c’est assez qu’un homme l’ait voulu pour que l’humanité qui se torture elle-même, et peine à faire l’enfer où elle trouverait le ciel, sache en voyant le mal que le bien est possible, et trop lente à se tuer de misère et de haine, coure aux revanches, aux héroïsmes, en se tenant le ventre, et d’une seule fois, purgée enfin, gloire et ordure ! — fasse ses entrailles, son sang, son âme ! et vide sa haine.

Car tu te reposeras, travail féroce des hommes ; soif des richesses, tu ne boiras pas tout. Le néant n’est pas un pauvre qui laisse prendre sa part.

Si trop puissante, la destruction ne laisse rien, si des derniers croulements de ces humanités-ci, aucune autre, jamais, ne doit se relever… Dernier hoquet de la société râlante, — joie à l’entendre ! et à périr une triste vie devant le ciel inerte, sûr d’être le dernier, qu’après soi tout ne soit rien !

À moins que des boules d’or du ciel ou à la place d’un Dieu faisant le bien partout, errent des mondes où sans doute on souffre comme ici, ne tombe quelque germe nouveau qui recommence tout, et refasse des hommes… — D’autres ?

Patience ! les murs de la prison vont s’ouvrir.

Tu te sacrifieras, Messie, ô pauvre diable. Pour les hommes, que tu aimais tant, — la Société, comme tu disais ! — la Société…

Tu te sacrifieras. Mais pour son bien, non pas !

Rage ! Pensées de vaincu et orgueil de vaincu.

Mais ils m’ont rendu tel. — Oui, vaincu, tu l’es bien.

Tu ne peux rien, tu ne peux rien…

Au fond de la prison… — Oui, mais elle va s’ouvrir…

Tu ne peux rien, tu ne peux rien…

Quand même, jamais ! — D’ailleurs rêver ainsi fatigue. Tu es las, tu vas dormir. Mal ! Mais quand même…

Dors. Cela manque d’un sein de femme que l’on aime…

Mais tout de même…

Quand on n’a pas pu faire tout le bien qu’on voulait…