Page:La Revue blanche, t14, 1897.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noux, et à quatre pattes, sur les coudes. Et sur le ventre, tout de son long, affalé…

Oui, sur le sol, le corps, bête crevée, inutile…

Mais la tête libre, éclatant les parois du crâne, se dresse, monte, jusqu’aux murs qu’elle écarte, et au toit qu’elle emporte, et au ciel qu’elle soulève…

O visions qui planent sur le monde sombré !


Seul… Tout seul.

Pour accomplir ce devant quoi, depuis des siècles, des peuples hésitent ? — Oui.

Mais que puis-je… — Oh ! l’on peut tout de même beaucoup de mal.

Et si vous ne voulez pas que les joies se partagent, si le travail, le pain, la maison et la femme, toutes choses de vies, sont possédées par vous qui ne partagez pas… — moi aussi, je suis riche, combien riche ! Mais je partage. — L’exemple ! Regardez… Riche, je donne l’exemple. — À tous tout ce que j’ai, haine, douleur et rage… À tous ! De gré ou de force, partagez avec moi.

Et moi aussi, je suis le maître : je fais le mal.

Science ! tu ne donnes pas la lumière, mais la force.

Tu mets entre nos mains le glaive… On tremblera…

Par toi, un seul peut se faire entendre à des milliers : Une chose grosse comme le poing jette à bas des palais. La haine d’un pauvre diable terrifiera un peuple.

Seul… Un seul… Anonymes, comme jadis un de la foule, quand il y avait des révoltes, qui s’y ruait.

Anonyme, maintenant que la douleur s’isole, et que doit s’accomplir dans l’ombre et le silence, l’œuvre énorme d’un seul qu’on ne saura jamais.

À moi seul ! Moi ! — Si c’était Moi ! — Ce sera Moi !

Révolte suprême ! J’ai crevé tous les impossibles. Je peux, je veux… Détruire ! Mais suffirai-je à tout ce qu’il y a à détruire !

Oui, à moi seul.

Oh ! que de sang ! Du sang… du sang. J’en aurai tout mon saoul. Et des cris de douleur ! Des cris que j’entendrai, qui me feront du bien, en dedans ! Il y en aura tant, il y en aura tant… que toutes les souffrances seront lavées à plein sang.

Fusils, sabres, canons, dynamite… Jouets d’enfants ! J’ai mieux. Et quoi ! Jamais tout cela ne suffirait. J’ai mieux. Je ferai ainsi qu’à des lapins, — là-bas, aux terres australes, où ils mangent toute l’herbe, et dévastent tout, comme les enragés ici, font du travail, — la chasse aux hommes, la chasse à ce fléau : les hommes. — armé de rage, de peste, de fièvre, de choléra…

Oh ! les visions qui planent sur le monde sombré…

Des spectres ! Au galop ! Au galop ! Par charretées…