Page:La Revue blanche, t14, 1897.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’avait tant été. Belle ! Jusqu’ici il l’aimait. À présent, il la regardait, la trouvait belle.

Et il ne savait pas ! Tant de richesse chez lui, inutile ! Qu’est-ce qu’il faisait de ça qui encombrait, et qu’il fallait nourrir, ça qui était si beau, et qui chez lui, vraiment, chez lui — ne faisait pas bien.

On frappe ! Le riche frappe. Ouvre donc. Que veut-il ? Quand le riche vient chez le pauvre, c’est pour prendre quelque chose. Impôt, terme, dette, crédit ? Il n’y a plus d’argent ! Les meubles ? tous vendus. — C’est une lettre de change à payer, chair contre or.

Honnête pauvre, laisseras-tu protester ? Tu crois donc que jamais l’on n’osera saisir ?

Sous scellés seulement. Tu auras la jouissance. Pour cela seulement qui ne se partage pas, la société concède un peu à la nature, et tacitement, lui laisse entendre : part à deux.

Et part à deux de la vie aussi : la joie, — la peine. Car, pour gagner sa vie… La vie, cela se gagne, la joie, cela se paye. Et l’on trouve la peine, d’abord, sur la route. Et au bout — y arrive-t-on ? — on est bien las.

Le riche ne fut pas riche toujours. Mais, jeune il s’était dit :

— J’aimerai quand je serai riche. Riche, je serai heureux.

Quand je ne pourrai plus aimer, ni être heureux…

La vie passe à cela. Mirage ! — Même, dupe-t-il ! L’espérance pour passer le temps, tromper la faim…

Gagne ta vie, gagne ton pain, gagne l’amour…

Pour quand tu seras riche…

Pauvre que n’as-tu dit, toi qui que ne seras pas riche :

— Quand la Révolution sera faite, j’aimerai.

Alors oui, tu pourrais, librement… ayant de quoi.

Mais tu sais bien que tu ne pourras plus. Il sera trop tard.

Ah ! joie de tout de suite, toi, si tu t’en allais, — chérie, ton assassin, chérie ! — tu ne seras pas à d’autres. Non. Un rêve reste rêve. La passion devient acte. À l’un des mots, c’est assez bon. L’autre veut du sang.

Et toi qui, ambitieux avare, te privant de tout, crois que tu as gagné la joie, le pain des autres, et puis leur femme, et tout…

Capable et prévoyant…

Fais encore grâce, bourgeois. Un peu de répit…

Le prix de ton imprévoyance et de ton incapacité, bientôt peut-être, tu le sentiras terriblement.

Ainsi qu’il disputait son enfant à la mort il disputa aux autres la femme qu’il aimait.


Les nourrir ! Le problème était seulement là.

Il était fort, et travailleur, apte à la besogne. Et il ne trouvait pas.