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» Aden — dit-il lui-même — est un roc affreux, sans un brin d’herbe ni une goutte d’eau bonne (ou boit de l’eau de mer distillée). La chaleur y est excessive, surtout en juin et septembre qui sont les deux canicules. La température constante, nuit et jour, d’un bureau très froid et très ventilé est de 35° ». Il gagne peu, là : six à sept francs par jour ; se sent comme prisonnier et projette un départ pour Zanzibar, qu’il ne verra pas toutefois, parce que, deux mois après son arrivée à Àden, on lui ouvre prochaine la perspective d’un voyage au Harrar, en qualité d’agent de la Compagnie directrice du comptoir dont il est maintenant l’humble employé.

Acheteur de café et de parfums, il pouvait, en attendant, sous un puissant soleil parcourir les fertilités miraculeuses de cette Arabie d’Asie tour à tour et ses déserts dont les sables ondoient : paysages augustes en lesquels un lion, parfois, dut contempler avec timidité, déférente, à travers l’azur des yeux de Rimbaud, une âme dont la forte beauté inspirait déjà du respect cordial aux arabes. Tout autre bel aventurier que notre ambitieux et sublime Arthur eût été heureux sous autant de chaleur agenouillée etsolennelle. Les européens eux-mêmes, le saluaient.


C’est en novembre de cette année 1880 qu’il quitta l’extrémité occidentale de l’Asie méridionale pour atteindre, par mer, la côte orientale de l’Afrique, à Zeïlah.

Dans la première quinzaine de décembre, après vingt jours de cheval à travers le désert du Somal, il arriva à Harrar, ville colonisée par les Égyptiens et dépendante de leur gouvernement, et il prit possession de son agence.

Avant son départ d’Aden, il avait écrit à sa famille pour la prier de lui faire envoyer des ouvrages de sciences, dont la liste est suggestive. Voici, d’ailleurs, textuellement, tout le passage de la lettre s’y rapportant :

« J’ai à vous demander un petit service qui ne vous gênera guère... C’est un envoi de livres à me faire, j’écris à la maison de Lyon le vous envoyer la somme de 100 francs. Elle portera cet argent à mon compte. Il n’y a rien de plus simple :

« Au reçu de ceci, vous envoyez la note suivante, que vous recopiez et affranchissez, à l’adresse : Lacroix, éditeur, rue des Saints-Pères, Paris.

« Roche, etc… M… Veuillez m’envoyer le plus tôt possible les ouvrages suivants, inscrits sur votre catalogue : Traité de métallurgie ; Hydraulique urbaine et agricole ; Commandant de navires à valeur ; Architecture navale ; Poudres et Salpêtres ; Minéralogie ; Maçonnerie, par Demanet ; Livre de poche du charpentier. Il existe un traité des Puits artésiens, par F. Garnier. Je vous serais très réellement obligé de me trouver ce et iraité, même s’il n’a pas été édité chez vous, et de me donner