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en cette vase d’où coulera cette eau claire : la société future… Tous d’accord…

Émigrants entassés dans les cales fétides, disputant de ce qu’on ferait quand on toucherait terre, sûrs de trouver merveille, terres fertiles, prairies vertes, ou des chasses, ou des forêts, ou des mines d’or… mais — hâte ! hâte d’arriver ! — sûrs qu’une fois à terre, chacun s’arrangerait, et tout s’arrangerait, — hâte ! hâte d’arriver ! ô vent de la Révolte, souffle donc dans nos voiles ! — sûrs : tout s’arrangera ! Quand donc ? À terre ! Au lendemain de la Révolution… Tous ensemble ils voguaient vers les lointaines Amériques — hâte ! hâte ! ô l’horrible et fastidieux voyage ! — vers les lointaines Amériques, la Terre Promise.

Oui ! qu’elle souffle, la Révolte, si seule elle peut mener là ! Qu’elle mette des océans entre nous et la patrie !

Sol natal, coin de champ paternel, vieux château du seigneur, église du village… Bah ! on nous a promis mieux que tout cela. En route ! Dans cette cale fétide naviguerons-nous toujours ? Révolte, qui nous emmena, quand toucherons-nous terre ?

Eh bien ! c’est l’Anarchie. Va au hasard, navire que nul ne peut guider. Du moins le bon vent souffle. Pas de port. Échouons !

Non. je n’ai pas le plan de la cité de rêve ! Mais j’ai celui de la cité de réalité. Celle qu’il faut détruire ! Tout flambe ! Tout s’écroule ! Les égouts envahis, les téléphones coupés, la ville souterraine saignée aux quatre veines… et vous savez ? dépôts d’armes, usines, et la Banque ! fouillez à la poche tout de suite. Allumez !

Comme dans un marais que l’on vient de troubler, sautent, sautent les grenouilles ! En l’air, tous les bourgeois ! On les dynamitera, le monde sautera…

Dansons ! De peur ou de joie, tout le monde dansera.

Surgis, ô vraie réforme, unique chose à faire, seule raison d’espérer, sang à boire, or à voler, joie à planter, et amour à ressusciter ! Révolution !

Soûler encore une fois la terre d’actes gigantesques !

Sainte dynamite !

Que l’on danse vite !

Dynamitons ! dynamitons !

Tous debout ! Haut les cœurs ! libres les cervelles ! Les grandes orgies futures chahutent déjà dans l’âme ! Tous d’accord ! C’est cela ! Dynamitons !

Dame dynamite !
Que l’on danse vite

Et l’on se mettait à chanter.

Cependant l’humanité souffrait toujours. Chaque matin, quand Paris éteignait ses orgies, quand les attar-