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LES JOLIES BÊTES 165 Il renouvelle sa question, d’une voix plus altérée. — Joie, tu m’aimes, moi ? dis. Alors elle se décide. — Non, Matho. Non, je ne t’aime pas. C’est l’autre que j’aime... 8a voix est douce et d’une main triste, elle caresse la joue de son mari. — J’ai menti, vois-tu, pour avoir la paix. Mais maintenant je dis la vérité. J’aime l’autre. — Et tu as été à lui ? Ils se parlent à voix basse, bouche à bouche, presque. — Et tu as été à lui ? — Oui. IX Matho a vu rouge. Il l’a saisie, comme un objet quelconque, comme un verre qu’on va briser, en le jetant contre le mur. Il remporte en paquet, monte l’escalier, pousse une porte. Que va-t-il faire ? Est-ce qu’il sait ! Si la fenêtre est ouverte, il la jettera par la fenêtre ? Le lit l’arrête ; il la jette au lit. Brutalement. Et elle gît là, toute ébouriffée, les joues rosées, presque jolie de sans-souci, de défi calme. Au bord du lit, il s’areboute sur ses poings et la regarde avec haine. — Tu m’as trompé î rugit-il. — Comme tu m’as trompée, répond-elle. — Et tu l’aimes, misérable, et tu as été à lui !... — Comme tu as été à ta maîtresse. — Dis-moi son nom ! je le veux ! — Ah non, par exemple. Il ricane. — Tu me ie diras, si je le veux. Je saurai bien te le faire dire — Et comment ? — En te battant. — Je te battrai aussi. Il se penche encore, lui saisit les poignets, qu’il maintient de ses bras étendus : une insouciante petite crucifiée. — Le diras-Lu ? — Non ! — Non ? — Non. X Matho bondit. Il ne la tue pas. Il ne la bat pas.