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LA REVUE BLANCHE

tromper lui-même, tromper Dieu. Il a tenté de substituer l’apparence à la réalité, la lettre à l’esprit, de parodier la vertu. Il est celui qui, confondant les sentiers, tente d’aller au Saint des Saints par le crime… » Que ce castrat ne puisse valablement concourir pour le prix de chasteté, M. Foltz lui-même le comprendra, j’espère.

Servilement, ce caudataire brandit les gaffes que N. lui-même, aujourd’hui, délaisse, et rigole parce que le vieux Titurel, « de même que tous les personnages de l’œuvre », redoute la Mort qui, pourtant, ouvre les portes du Paradis… Gros malin, va ! Titurel, ayant vu déchoir Monsalvat, serait excusable de le vouloir contempler, avant de mourir, dans sa splendeur première, dont la restitution fut promise à Amfortas ; mais, en fait, il demande seulement s’il lui faudra mourir « sans être assisté par le Sauveur », il implore de n’être point privé de la célébration du sacrifice, de ne point expirer dans la tristesse spirituelle, privé du Graal qui lui est sa seule raison de vivre comme sa seule force pour mourir.

Quant aux autres personnages, depuis Kundry qui aspire à la Mort libératrice, jusqu’à Gurnemanz qui l’attend l’âme en paix, M. Foltz fera bien de relire, ou de lire, les déclarations que leur prête Wagner ; et, ma foi, s’il trouve dans l’explosion de douleur d’Amfortas « Mourir ! grâce que j’implore… » des traces de thanatophobie, c’est qu’il est mûr pour le M é n e s t r el.


Comprimés dans les inconfortables fauteuils de la Grrrrande Salle du Conservatoire de Musique et de Prostitution, on nous servit Taffanel dirigeant l’Envoi de Rome d’Alfred Bachelet avec cette fermeté qui n’exclut point la douceur… Fiona, poème de Durocher, fuit le coco des bons élèves qui broutent le pré Rossini, et craint aussi l’abrupt de la Nationale. De cette composition juste-milieu qui fut très applaudie, il faut louer, surtout, la partie fantastique, d’instrumentation savoureuse, avec d’indécises harpes, des chœurs d’esprits congrûment mystiques, un flageolet persifleur pour souligner la narquoiserie du nain Turl, et, batifoleuse, la fanfare en sons bouchés d’une trompette preste.


Cependant que l’onctueux capellmeister du Châtelet conduisait, comme un pied, Rédemption, je lisais dans une impudente Notice que m’avait glissée l’Ouvreuse, ceci : « Cet oratorio a marqué d’un sceau glorieux l’inauguration des Concerts Colonne… (aux frais d’Hartmann, d’ailleurs). C’est ainsi que dans une sorte de fraternité artistique (!) se trouvent rapprochés les noms du compositeur et du chef d’orchestre, deux vaillants et deux patients qui ont lutté sans défaillance, triomphé de maints obstacles, et finalement conquis, chacun en son domaine propre et par des voies diverses (j’t’écoute !) une large place dans l’histoire musicale de notre temps. »

Assez vendu, Edouard ! Si vous vous attendrissez encore sur la tombe du Méconnu, après l’avoir savamment évincé de son vivant, on sera contraint de vous rappeler des souvenirs pénibles, l’historiette de la « Quatrième Béatitude », l’anecdote de la répétition de Rédemption payée par Franck et employée au fignolage d’une massenetade, etc., etc. Jouez ce que vous voudrez, jouez mal, c’est votre droit, mais pas de battage, n’est-ce pas ?

Et toi, Vidal, monte donc à l’Opéra cette admirable Rédemption, au lieu de la Damnation de Faust, puisque tu chipes au Châtelet son répertoire !

Willy