que l’effort fait par lui d’avoir nommé la Commune révolutionnaire était suffisant, et il se reposait sur nous, qui ne pouvions rien sans lui ; trois jours se passèrent à se reposer les uns sur les autres, au bout desquels nous nous endormions tous pour nous réveiller avec notre drapeau rouge bas et le tricolore flottant.
Pourquoi cette impuissance d’une part et cet abandon de l’autre ? Deux causes y obligeaient. Paris, en faisant son mouvement du 18 mars, n’avait tout d’abord réclamé que son autonomie, mais justement Lyon possédait cette autonomie communale, et était de ce fait très gêné pour appuyer Paris, situation que ne manquait pas d’exploiter la réaction, en disant que Lyon n’avait aucune raison de se révolter pour acquérir ce qu’il possédait, l’argument entraînant avec lui bon nombre de gens. Paris nous envoyant ses délégués avant que les timides réformes qu’il demanda plus tard ne fussent faites, l’agitation se faisait un peu dans le vide ; tout autre eût été le résultat, malgré l’ignorance et la foi du peuple en ses gouvernants, si l’on eût attendu les réformes projetées par la Commune de Paris. Peut-être, Lyon eût abandonné l’idée communaliste pour prendre l’idée économique et, ayant alors un champ d’action, les choses eussent pu être autres. Mais voilà, à cette époque on attendait l’initiative de Paris. Elle vint trop tard.
L’autre cause d’impuissance résidait en l’absence de force matérielle et morale de notre part ; malgré la Commune proclamée, la réaction était encore maîtresse de Lyon parce qu’elle possédait tous les forts, lesquels, chacun le sait, n’ont été construits qu’en vue d’une révolution intérieure ; elle possédait l’armée et, ce qui la fait marcher, l’argent, car, en se sauvant, elle avait aussi sauvé la caisse. De notre côté nous possédions les fusils de la garde nationale et quelques cartouches, plus un malheureux fortin avec ses canons encloués. Se mesurer à l’armée dans ces conditions n’eût pu produire qu’une hécatombe inutile.
Un membre de la Commune nous fit observer que nous avions les canaux et la torche à notre disposition et que, ne pouvant prendre le propriétaire qui se réfugiait vers l’armée, nous pouvions prendre ce qui fait sa force et fait notre faiblesse, la propriété, en appelant le peuple à faire œuvre de communiste révolutionnaire, à sortir des taudis pour habiter les palais et les maisons luxueuses vides, à manger, à sa faim en s’appropriant les denrées accumulées, à se vêtir en utilisant les produits tissés par lui et accaparés par les juifs chrétiens ou autres, et que de cette façon on atteignait double but, d’abord faire œuvre de justice et ensuite amener Versailles à démembrer l’armée qui était devant Paris et débloquer cette Ville. Mais soit que le mot « communisme » ait effrayé, soit qu’on ait jugé que le moral populaire n’était pas encore mûr pour ces revendications, la motion fut rejetée, ce qui fait qu’on ne rôtit pas la propriété ; c’est elle qui nous a laissés cuire dans notre jus.
J’ai été assez bête pour accepter un pouvoir qui me liait les mains