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ruées sur Paris, en 1871, au contraire, malgré les appels désespérés et réitérés de l’Assemblée Nationale, aucun Département ne voulut bouger. On ne put compter que quelques centaines de pompiers venus à la suite des troupes. Après Sedan, rien ne paraissait plus ni abominable ni exécrable. Et les « Hésitants » et les « Clairvoyants » de la politique comprirent bien alors qu’ils se devaient rallier à M. Thiers et que l’infamie des capitulations avait inspiré l’horreur des Monarchies.

Les conséquences économiques de la répression de la Commune furent tout autres. La population ouvrière de Paris était presqu’entièrement engagée dans l’insurrection. Presqu’entièrement, elle fut dispersée aux quatre coins de l’Europe, tuée ou prise. L’Orangerie de Versailles et le Camp de Satory continrent plus de 40 000 prisonniers. Les malheureux qui purent s’échapper, comme les protestants sous Louis XIV, portèrent à travers le monde la meilleure part de notre génie industriel.

Ils le personnifiaient si bien que — (j’ai énonce le fait à la tribune devant M. Thiers qui ne l’a pas contesté) — une Compagnie américaine offrit au Gouvernement de lui acheter en bloc tous ses prisonniers moyennant une forte somme d’argent qu’elle lui donnait en échange. La Compagnie aurait transporté ces gens aux États-Unis où, répandus dans les usines, ateliers, manufactures etc. etc., ils auraient régénéré l’industrie locale ou créé des industries nouvelles. Avec MM. Allain-Tagé, Pane, je fis peu après au Conseil municipal, une enquête sur la situation industrielle et commerciale de Paris. Elle révéla des vides affreux dans toutes les professions. Les fugitifs étaient allés en Belgique, en Alsace, en Italie, en Suisse, beaucoup en Angleterre et plusieurs aux États-Unis. Partout ils avaient répandu nos goûts, nos mœurs laborieuses et nos habitudes de travail. La plupart revinrent en France après l’amnistie : quelques-uns se fixèrent à l’étranger. Mais leur exode coïncide d’une façon singulière et remarquable avec la renaissance artistique observée par toutes les personnes compétentes, — par M. Marius Vachon entre autres — chez tous nos voisins du continent européen. Si depuis lors la concurrence étrangère est devenue plus redoutable, peut-être faut-il l’attribuer à ceci, qu’on ne révoque pas impunément une seconde fois l’Édit de Nantes.