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Désobéir aux lois

[Cet américain, Henry David Thoreau, est un écrivain de la famille des Emerson et des Walt Whitman. Trente-deux ans après sa mort, ses œuvres sont encore inconnues en France. Mais assez de jeunesse persiste en elles pour que les traduire ne soit pas inopportun.

Compagnon de Bronson Alcott, d’Ellery Channing, de Margaret Fuller, de Nathaniel Hawthorne, de Ralph Waldo Emerson, — peut-être subit-il, à ses débuts, l’influence de celui-ci, qu’en retour il influença dans le sens d’une manière plus simple et plus large de penser et de vivre, à une époque où Emerson inclinait vers une direction toute opposée.

Les pages qu’on va lire sont extraites d’Anti-Slavery and Reform Papers. Autres œuvres de Thoreau : The Week on the Concord and Merrimack Rivers, The Maine Woods, Cape Cod, Excursions, etc. La plus populaire est Walden or Life in the Woods. Cette vie dans les bois, qui ne prit qu’une part bien minime de son existence — deux ans et demi — impressionna vivement l’opinion. Les préjugés se coalisèrent contre le présomptueux moraliste de village, le « Diogène Yankee », qui mettait en question les neuf dixièmes des institutions les mieux assises : il fut accusé de misanthropie, de scepticisme, d’orgueil, de mauvaise foi, de cynisme. À la vérité, le « retour à la nature », comme il l’entend, n’implique pas un regret correspondant de la civilisation vers la barbarie ; il considère la civilisation comme « un réel progrès dans la condition de l’homme », mais il veut « montrer au prix de quel sacrifice cet avantage est aujourd’hui obtenu, et suggérer que l’on pourrait s’assurer tous les bénéfices de la civilisation sans pâtir de ses inconvénients actuels ».

Il ne se désintéressa jamais des affaires humaines, et quand John Brown fut arrêté et condamné, la première voix qui s’éleva en faveur de l’insurgé fut celle de Thoreau, dans son superbe « Plea for Captain John Brown ».

Thoreau est né à Concord (Massachusetts) le 12 juillet 1817. Son père, d’origine française, était fabricant de crayons ; sa mère, Cynthia Dunbar, était fille d’un pasteur du New Hampshire. De 1833 à 1837, il étudia à l’Université Harvard. À l’exception de brèves absences, il vécut à Concord, où il subvenait à ses besoins par les occupations les plus diverses, et où il mourut le 6 mai 1862. Sa vie a été écrite par M. Henry S. Salt.]