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de la sanie d’une tumeur percée, parce qu’un homme a inconsidérément uriné vers la touffe de moisissure qui dissimule la honte et la plaie toujours suppurante de là bouffissure inférieure. Hélène ! l’homme ne peut plagier l’usage de cette plaie qu’en offrant pour simulacre l’issue condamnée par Dieu à excréter les immondices du corps. Hydrophilus ! toi qui te repais, comme tous en enfer, d’excréments, emporte celui-ci (peut-être alors excuseras-tu ma récente violence) et emporte aussi sur ton ventre et contre tes trachées de l’air respirable parmi la vase du marais, car (Hydrophilus disparut sous l’eau, vers le pays des vivants, me pétrissant entre ses pattes) je ne vois point s’élever vers la surface de l’eau la petite bulle qui éclate en fumée et prouve que le corps sait expirer une âme. »

Quand il eut dit, sur notre fuite glauque plana le vql brisé du reflet de ses rames.

IV

Récit de Salomon

C’est en vain que j’ai un anneau formé de quatre pierres me donnant toute autorité sur les mondes des esprits, des animaux, de la terre et des vents. Je ne me souviens plus des devises inscrites sur les quatre pierres, mais de la maxime de l’aigle, que, si longue que soit la vie, elle n’est qu’un long retard de la mort. Et je me souviens aussi de la sentence du coq : Pensez à Dieu, ô hommes légers. Mais la plus belle maxime de toutes est celle du faucon, qu’il faut avoir pitié des autres hommes. Pour obéir aux deux maximes du faucon et du coq, je voudrais avoir achevé mon temple, afin que Dieu soit dignement glorifié après moi parmi les hommes. Après ma mort, aucun homme ne pourra manier mon anneau sans être réduit en cendre, et les esprits qui à mon commandement édifient le temple se disperseront dans un tourbillon.

Il ne serait point injuste, comme me l’a conseillé mon vizir Assaf, que quelqu’un prit ma place devant l’envoyé de l’ange de la mort. Ô si j’avais imité ce petit homme, qui mourut en ma présence après avoir fait vœu de vivre, à la vue d’une étoile filante, jusqu’à la rencontre du plus grand prophète ! Mon père David est mort ; et j’ai demandé à Dieu qu’il fût possible de déjouer le pieux subterfuge de ma femme Balkis : car on ne doit point donner une âme de femme en échange de l’âme d’un prophète ; et je me souviens qu’avant de l’épouser je la fis entrer dans une salle parquetée de miroirs, pour voir si elle n’avait point des pieds d’âne.

Roboam, mon fils, est dans la force de l’âge du corps et de l’esprit ; et j’ai pour lui un amour qu’il serait sacrilège de prostituer à une femme, car en lui je me remire en mon passé ; j’observe avec ma sagesse centenaire la croissance de mon corps et de mon esprit de vingt ans ; et peut-être est-il assez pénétré du reflet d’amour de ma sagesse pour — après s’être offert en rançon de la vie terrestre de mon âme — oser lutter par le fer con-