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suprême, pendant son court passage sur la terre, de contempler l’œuvre admirable de Dieu. La science de la nature est toute contemplative, c’est la science de l’harmonie, du divin dans le monde. — On peut rapprocher de cette conception de la science, le mot de Socrate : « Quand vous connaîtriez les causes qui produisent les vents, les pluies, etc. à quoi cela vous servirait-il ? — c’est une connaissance de peu de valeur ». De même chez Platon, qui, plus qu’Aristote peut-être, est pénétré de cette idée d’harmonie et qui dit o philosophos mousikós. Chez les Stoïciens la science sert à la construction de la morale, mais elle n’a pas de but pratique en elle-même.

Il est aisé d’en trouver les raisons. Pour les Stoïciens la Nature est pleine de Dieu. C’est entreprendre sur la divinité que de vouloir substituer notre action à celle des Dieux et faire produire à la nature ce que bon nous semble. Les Dieux ont révélé aux hommes ce qui leur est nécessaire. Il faut donc se conformer aux choses.

Horace, dans des vers célèbres, a exprimé cette idée chère à toute l’antiquité.


Aurum irrepertum et sic melias situm
Cum terra celat, spernere fortior
Nuam cogere humanos in usus
Omne sacrum rapiente dextra.


Si telle est l’idée de la science dans l’antiquité, on peut montrer combien elle est opposée à la conception de la science pratique, telle qu’elle s’est imposée depuis la Renaissance. Le changement capital apporté dans la philosophie par Bacon et Descartes porte précisément sur cette idée de la science pratique, qu’avait mise en lumière le mouvement scientifique de la Renaissance. La Renaissance n’est pas qu’un renouvellement de l’antiquité. Les grandes découvertes de la fin du XVIe siècle étaient le fruit du travail de l’intelligence humaine. Chez les alchimistes, d’autre part, chez Paracelse, la principale ambition était d’agir sur la nature, de la faire servir à nos besoins. La science tendait à faire de l’Univers le vrai serviteur de l’homme. La science