Page:La Revue blanche, Belgique, tome 3, 1891.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.


La Philosophie et la Science chez les Grecs


Dans l’examen d’une vaste période de l’histoire de la pensée, il faut prendre garde à deux écueils également difficiles à éviter : la tendance à trop généraliser et à attribuer tout ce qui est le signe distinctif de quelques-uns, — et la faute inverse qui consiste — par crainte d’être vague et de comprendre dans une seule formule des faits hétérogènes — à en voir les questions que par le détail, à multiplier à l’excès les divisions, à ne penser, que d’une façon fragmentaire.

La généralisation a pour elle ceci d’infiniment séduisant qu’elle permet d’embrasser d’un seul coup d’œil une page entière de l’histoire philosophique de l’humanité. — C’est un bel effort que de tendre, suivant le mot d’Amiel à l’intégrale totale, et la joie est certainement profonde pour le penseur qui peut se dire : Je tiens en cette formule, dégagée avec peine de la masse informe des détails, ce qui est l’âme et ce qui fait l’unité des conceptions si diverses de tout un peuple. — cependant, un retour de l’esprit sur lui-même peut amener l’historien de la philosophie à douter de la valeur de cette « formule génératrice » ; — est-il vraiment certain de la conformité de sa construction avec l’ordre de la réalité ? — la vérité qu’il cherche avant tout, peut-être n’est-elle que dans l’infinie multiplicité des faits particuliers ? — Et, s’il songe aux sources très incomplètes, qu’il a à sa disposition, à la reconstitution impossible de tous les faits significatifs, relatifs à l’art, à la science, à la politi-