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Un des numéros
de mon ami Florent



— Avant que je meure, je te verrai pâle d’amour.
— De colère, de maladie ou de faim, monseigneur.
(Beaucoup de bruit pour rien.)


J’allai voir Florent, un matin.

Son domestique me dit : « Monsieur n’est pas seul, » d’un ton mystérieux et comme s’il attendait que je partisse.

Sur une console, étaient rangés des friandises et, vide, un de ces verres effilés, où Florent a coutume de boire quelque vin d’Espagne aromatisé de menthe et de poivre.

Flairant une aubaine, je pris une brochure et m’installai profondément dans un fauteuil.

Après quelques minutes, Florent m’aborda.

« Ah ! Ah ! mon gaillard ! m’écriai-je et je lui tapotais la poitrine d’un doigt gouailleur, il n’est de théorie qui ne craque ! Ne finaude pas, tu es avec une femme, et, vraisemblablement, tu te contentes de la regarder. »

Ces derniers mots furent lancés avec une rondeur qui l’aurait dû déconcerter. Il ne sourcilla pas.

Résolu à retourner le poignard, je continuai :

« Dans l’embarras des attachements et des affections, ne tâches-tu pas quotidiennement à te garer ? on s’y frotte ça colle, on décolle ça saigne, ah ! ah ! ah ! »

— Affection ! affection ! murmura-t-il, combien de souffrances il contient ce douloureux mot ! De la lettre d’amour à la brochure médicale, il geint. Là est la plaie. Pousser sa fleur bien droite, en un champ, plein de vie ! En un champ, certes, car si les tristes glycines exhalent la mélan-