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pour moi, il n’y a qu’un beau siècle dans l’histoire : le iiie siècle Assyrien.

— Vous voulez donc, cher maître, priver les lecteurs de votre intéressant avis ?

— Oh ! au fait, si vous y tenez…

Eh bien elle a vécu la littérature ; au siècle prochain, on s’en souciera comme de ça… on aura bien autre chose à faire… Un siècle où on brûlera, où on torturera et probablement notre monde et notre soi-disante civilisation sombreront dans un affreux cataclysme.

— Diable, ce n’est pas gai, dis-je, en essayant de sourire.

Mais le maître garde son air farouche et ses sourcils froncés.

— La voilà, la littérature du vingtième siècle… Quant à la nôtre… un tas d’embêteurs, de faiseurs, de phraseurs, et pour quelques uns qui ont eu le sens de l’ameublement, ils ont été gâtés par des écoles. Les naturalistes ? — Des bourgeois. Les psychologues ? — Des j’menfoutistes. Les symbolards ? — Des fumistes. Voilà. Tout ça ne vaut pas un beau tapis.

M. Thadée Natanson ouvre une vaste armoire d’où ruissellent des merveilles de tapisseries.

— Voilà ce qui vaut mieux que tout et me console de tout… la littérature j’aime mieux m’en f… en outre !

Je suis frappé de l’exclusivisme des grands collectionneurs.

À ce moment, le domestique de M. Thadée Natanson, un jeune More, superbement drapé de soie blanche, vient annoncer la visite de M. J. de St Malo.

— Vous voyez, me dit le maître, c’est mon petit More Æas. — Faites entrer, Æas.

M. Thadée Natanson me présente à M. de St Malo, qui a bien les yeux d’un penseur et le menton d’un homme de lettres.

Et je me retire, laissant ces deux messieurs à leur discussion, qui promet d’être très vive.