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d’une draperie, se détache, lumineusement pâle,

le profil découpé sur les grands vitraux peints,


de M. Noël.

Quant à M. Auguste Juvène, le sympathique cul-de-jatte, comme chacun le déplore, juché sur une table, parmi des vases de lilas, il semble trôner, l’air farouche, avec sa barbe hirsute et ses sourcils démesurément longs.

— Si vous le permettez, chers maîtres, je vais profiter d’une si heureuse rencontre pour mettre votre amabilité à contribution. Je vous demanderai donc votre avis sur la littérature du vingtième siècle.

M. Alexis Noël. Ma foi, je ne sais pas trop ce qui nous attend ; mais je ne suis guère rassuré sur le sort de la poésie. Aujourd’hui, c’est désespérant, l’alexandrin devient un moule à inepties et la langue, un pur charabias.

M. Auguste Juvène. Vous voulez sans doute faire allusion aux symbolistes ?

M. Alexis Noël. Dites plutôt : aux cymbalistes, vous serez dans le vrai. Tout ça, voyez-vous c’est de la réclame, pas autre chose ; même le mot décadence n’est pas trop fort, car nous y marchons à la décadence, et nous pouvons y rester, y sombrer… à moins qu’un élément jeune et sain ne vienne enfin revivifier la poésie.

Les yeux de M. Alexis Noël jettent des feux inaccoutumés ; puis, peu-à-peu, la chambre retombe dans son obscurité crépusculaire.

M. Auguste Juvène. Tout ça, c’est très joli ; mais vous me permettrez d’avoir une autre opinion. Pour moi, le Symbolisme est une transition — transition superbe d’ailleurs, mais passagère comme presque toutes les transitions. Nous aurons au siècle prochain, une littérature mixte : plus que des romans réalistes, moins que des romans symbolistes ; quelque chose comme un Euphonisme naturaliste. Les romanciers seront poètes…

M. Alexis Noël… et les poètes romanciers ? Allons donc ! c’est impossible. De même que Verlaine n’aurait pas eu les reins assez solides pour écrire l’Assommoir, je vous pro-