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m’avez averti. J’ai un peu réfléchi aux questions que vous m’avez posées l’autre jour, et me voilà prêt à vous répondre.

Vous voulez mon opinion sur la littérature du vingtième siècle ? — Elle sera et ne peut être que liturgique. L’œuvre ? — un rituel proclamé par le Poète Sacerdote, impliquant la aconnexion des Théosophies primordiales, des mysticismes médiévaux et des mutualités socialistes.

— Excusez-moi ; mais je ne vous suis pas très bien.

— Je ne puis vous en dire plus long ; d’ailleurs vos lecteurs me comprendront.

M. William Bey, secrétaire de M. V. Reb-Péreire, entre sur la pointe des pieds, dépose plusieurs papiers sur le bureau, et se retire, sur la même pointe. Par la porte un instant entre-bâillée, j’aperçois dans la chambre voisine M. Pierre Veber, que le maître a recueilli par charité : bien que poitrinaire et trop passionné pour la boisson, l’auteur de Choléra garde toujours ses yeux tendres et expressifs de superbe Palestinien.

— Vous permettez ? me dit M. V. Reb-Péreire, et, sur mon « Faites donc », il examine d’un rapide coup d’œil les papiers que vient de lui apporter son secrétaire. Après quoi, il penche la tête vers un élégant crachoir au fond duquel j’aperçois le portrait de M. Drumont. Et comme je souris, M. V. Reb-Péreire me dit :

— Il est au fond de toutes mes porcelaines… Mais parlons de choses plus sérieuses : vous voulez que je vous dise, quoi encore ?… mes auteurs préférés ? Les écoles m’importent peu. Voyez-vous, tout ce qu’on peut faire de beau se résume en Spinoza, Maïmonides et Heine…

Ah ! j’y pense : vous pouvez prévenir vos lecteurs que je vais réunir en volume mes articles dramatiques parus dans la Revue Blanche.

— Sous quel titre, cher maître ?

— J’hésite entre : Une Critique par mois et : Chaussons de Lisière.

M. V. Reb-Pereire tira sa montre.

— Diable ! midi et demi… Isaac !… Mon coupé.