— qui est sang volcanique d’Antéchrists dyonisiens et innovateurs — un autre bien et un autre mal.
Qui ne le sait ?…
Nous sommes comme le vent des hautes montagnes quand il débouche hors du chaos mystérieux de ses profondes cavernes pour féconder la lumière vierge de l’aube par l’embrassement barbare, furibond et bouillonnant de sa gaillarde et tempétueuse nature, pour ensuite s’anéantir dans l’effort titanique de la création et se disperser dans l’infini.
Et la joie et la douleur qui dérivent de ce fécond embrassement créateur célébré en un rite iconoclaste dans le temple sacrilège de la plus ample liberté sont le Bien et le Mal sur lesquels s’élève l’arc triomphal de notre suprême anarchie, synthèse de Force et de Réalité, de Beauté et de Rêve.
La vie, pour nous, est une fleur sauvage qui doit être cueillie sur le bord effrayant d’incommensurables abîmes.
IX
Dans l’âme helléniquement tragique de notre compagnon Guiseppe De Luisi ces trois raisons anarchistes — éthique, héroïque, esthétique — toutes les trois condensées ensemble devaient tournoyer en tourbillon, formant un seul et unique élément de flamme qui faisait de lui — fils de la nuit — un Démon-dieu d’audace et de volonté, d’impétuosité et de puissance. Le Dieu sorcier des sages paraboles rynériennes qui hurle ; « Je t’aime et te veux, Ô ma nécessité ! » doit lui avoir parlé dans le silence de cette première nuit terrible et profonde où son âme se trouvait suspendue entre une aurore et un couchant, entre une veillée funèbre et une messe de rédemption.
Cette nuit durant laquelle — persécuté, désillusionné, affamé — il se replia sur lui-même pour une révision solennelle de son mode de sentir et d’œuvrer.
Il vit les foules qu’il aimait, et qu’il voulait racheter avec son propre sang, passer devant sa vision comme une longue théorie de brebis lâches et viles qui ne s’insurgent jamais et qui, lorsqu’elles s’insurgent, s’insurgent seulement pour trouver un nouveau maître devant lequel pouvoir plier la tête.
Et tandis qu’une voix s’élevait de la profondeur de son esprit, hurlant : « Inutilité », une autre voix encore plus puissante s’élevait des entrailles de son plus obscur instinct, le réclamait sauvagement à la joie de vivre intense. Et il obéit à cette dernière voix et, creusant un sépulcre dans le soir pour ensevelir le cadavre de ses illusions mortes, il se haussa dans l’aurore nouvelle, de tout l’élan d’un défi implacable.
Et ce fut lui ! Ce fut un tourbillon… Un signe ! Un nuage gros de tempête — un éclair qui illuminait le chemin !…
Sa nouvelle vie fut comme un vent de montagne quand il débouche hors du chaos mystérieux de ses profondes cavernes pour féconder la lumière vierge de l’aube par l’embrassement furibond et bouillonnant de sa gaillarde et tempétueuse nature pour s’anéantir dans l’effort titanique de la création et ensuite se disperser sereinement dans l’infini…
Et c’est de l’effort créateur célébré par un rite iconoclaste dans le temple sacrilège de la plus ample et vraie liberté par ces superbes héros de la Non-foi où sourd, comme du sang fumant, le nouveau Bien et le nouveau Mal que nous sommes en train d’écrire sur les tables bronzées des nouvelles valeurs humaines.
Et c’est sur les masses granitiques de ces nouvelles valeurs que se hausse, glorieux et triomphant, l’arc phosphorescent de notre instinctive anarchie, tragique synthèse de Force et de Réalité, de Beauté et de Songe !
X
« Guiseppe De Luisi — dit la chronique noire des journaux turinois du 26 septembre — n’était pas un des habituels escarpes de faubourg qui, déguenillés et pieds nus, attaquent le premier passant, le dépouillent de cent francs, et se réfugient dans un bistrot louche en compagnie de la première prostituée venue pour les aider à manger vite le pauvre fruit de la rapine et ensuite pour les dénoncer à la police qui, à son tour, s’empresse de les enlever de la circulation et de les envoyer au bagne. Non, de Luisi était un nouveau Bonnot, peut-être plus adroit, qui organisait des coups colossaux en plein centre des plus grandes villes, puis se retirait sous le manteau de l’incognito pour vivre sa propre vie, se riant des vaines recherches de la police qui le recherchait activement pour un vol de plusieurs centaines de mille francs sur la personne d’un employé de l’État, depuis plusieurs années, ainsi que pour une révolte à main armée dans un bar de Turin contre les agents de la force publique dont plusieurs restèrent gravement blessés, tandis qu’un compagnon de De Luisi — Milesi — était tué par les agents dans la même bataille.
Et ici il convient, pour une fois, d’apporter nos sincères hommages à la presse soudoyée qui, dans une manifeste intention de dépeindre De Luisi sous les sombres couleurs du criminel dangereux, a réussi à nous donner un portrait presque exact de l’audacieux révolté.
De Luisi, il y avait quelques années, avait eu le tort immense d’être un « honnête » cheminot organisant ses compagnons de travail et leur enseignant le verbe de la rédemption, quand — pour le punir de ce crime — la So-