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S. I. M.

estiment la musique et la littérature unies de trop près pour que leur étude puisse jamais être totalement dissociée. On y trouvera l’étude abrégée de certains sujets généralement ignorés chez nous : l’histoire de la ballade allemande, les débuts de Liszt comme auteur dramatique. A signaler aussi certains aperçus nouveaux sur R. Schuman n : comment celui-ci ne pouvait pas demeurer poëte et devait forcément devenir un musicien. C’est avec regret que nous voyons ce volume, trop court à notre goût, se fermer sur ces quelques pages d’intense et scrupuleuse analyse psychologique.

CRÉMIEUX (Mathilde). — Lettres choisies de Robert Schumann (Paris, Fischbacher, in-12 de 233 pp.).

Un second volume de lettres de Schumann ! le premier composé surtout de sa correspondance avec sa mère et ses sœurs, nous avait fait pénétrer au coeur même de son intimité. Celui-ci, adressé en général à des artistes et à des amis, est d’un caractère moins strictement confidentiel, mais touche de plus près à la musique. Un lecteur attentif pourrait y voir poindre petit à petit les premiers symptômes de la maladie cérébrale à laquelle Schumann allait succomber en 1856. Cette restriction faite, et, une fois mises de côté certaines lettres qui révèlent un évident déséquilibre mental, Schumann se montre souvent bon juge ; les questions qu’il traite demeurent encore d’actualité. Lisez cette lettre adressée à Liszt en mai 1849, P our justifier l’école de Leipsick de certaines accusations de plagiat : " On rencontre des réminiscences dans toutes les œuvres d’art... Bach, Haendel, Gluck, et plus tard Mozart, Haydn, Beethoven, se ressemblent à s’y méprendre sur cent points différents... Il n’existe pas d’œuvre complètement originale..." Et plus loin, appréciation plus sérieuse encore (lettre à Mendelssohn, datée du 22 octobre 1845) : "Wagner est certainement un musicien spirituel plein d’inventions folles et rempli d’audace... mais en réalité, il est à peine capable d’écrire et de penser convenablement quatre mesures de suite..." Puis le 7 janvier 1846, (à H. Dorn) : "Je voudrais que vous vissiez le Tannhauser de Wagner ; il renferme cent fois plus de profondeur et d’originalité que ses premiers Opéras, unies toutefois à certaines trivialités musicales. En résumé, Wagner peut prendre une grande place au théâtre, et tel que je le connais il aura l’audace nécessaire pour y réussir ". — Tant il est vrai que les grands hommes ne sont pas, moins que nous, sujets à revenir sur leurs opinions les mieux arrêtées.

WOODHOUSE (George). — The artist at the piano (Londres, chez Reeves, in-8° de 50 pp.).

Cette brochure est une diatribe sévère contre les pianistes en général, et plus particulièrement ceux que l’auteur désigne du nom de pianistes rationalistes. Nous pouvons applaudir M. Woodhouse lorsqu’il s’insurge contre les artistes qui considèrent la limite des ressources de leur instrument comme la limite inéluctable de la musicalité, et qui ne cherchent pas à étendre sans cesse le champ de leurs effets et de leurs moyens d’expression. Par contre, il nous est bien difficile de le suivre dans son parfait mépris de tout enseignement technique. Faut-il vraiment supposer qu’une science approfondie du doigté et du mécanisme doive forcément annihiler chez l’exécutant tout sens artistique ? De plus, il n’est personne aujourd’hui qui dénie la nécessité de se pénétrer de l’esprit et du style d’un morceau pour le bien interpréter ; sur ce point, et sur beaucoup d’autres, M. Woodhouse nous a un peu l’air d’enfoncer une porte ouverte.