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LA REVUE INDÉPENDANTE

Concordat allèguent que, dans l’état actuel de la législation, le gouvernement peut surveiller les agissements du clergé, mais qu’il serait sans influence sur un clergé qu’il ne stipendierait plus, et dont la force d’expansion serait, en un instant, décuplée.

Cette doctrine est peut-être ingénieuse ; mais elle est en contradiction avec l’expérience du passé. Lorsque, — malgré l’opposition du Tribunat, l’indifférence du peuple, les railleries des généraux, — Bonaparte, poursuivant son œuvre de domination politique et assouvissant sa haine contre les « idéologues », établit le Concordat, la France vivait depuis dix ans en dehors de toute préoccupation religieuse : la Fête de l’Être Suprême avait ridiculisé Robespierre, les fantaisies théophilanthropiques de La Réveillère-Lépeaux — un membre du Directoire cependant — avaient échoué dans l’hilarité générale. Toute propagande religieuse due à des initiatives individuelles était prédestinée à exciter le rire ou le mépris. Mais, dès que Bonaparte eut, par le Concordat, consacré la restauration solennelle du culte, dès que les prêtres furent des fonctionnaires nationaux, oh alors ! tout changea, — et l’Église, plongeant ses racines dans le terreau officiel, de nouveau jeta son ombre sur la France.

Qu’on ôte aujourd’hui à l’Idée religieuse l’appui de l’État, et elle se désagrégera avec autant de rapidité que le corps du M. Waldemar d’Edgar Poë.

D’ailleurs, le spiritualisme, sous quelque forme qu’il se présente, est anti-social. On nous accordera que le but de la société est de procurer à chacun de ses membres la plus grande somme de bonheur possible. Mais