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florentine

de Souk-Harras ou de Guelma, les rognures de l’Algérie… Baluffe m’a expliqué ça…

— Écoutez, brigadier, s’écrie Vendredeuil, c’est pas de la blague ce que je vous dis : tant que Baluffe n’aura que des Italiennes, des Maltaises ou des Espagnoles à exhiber dans sa baraque, il aura beau la meubler avec des lits en acajou et des commodes-toilettes, il pourra se fouiller pour ramasser de la braise.

— Il en faut pour tous les goûts, fait le gendarme, sentencieusement.

— Je ne dis pas. Seulement, je trouve qu’il ne faut guère en avoir, de goût, pour prendre du plaisir avec une taupe qui ne sait même pas dégueuler deux mots de français et qui vous hache de la paille à pleine botte avec un air de se fiche de vous. Mince de rigolade ! Est-ce qu’on est des bêtes, oui ou non ?

— Non, non. Bien sûr…

— Alors ?… Les Françaises, il n’y a encore que ça… Tant qu’il n’y en aura pas chez Baluffe, je vous fiche mon billet que ce n’est pas la galette que je lui donnerai qui l’empêchera de faire faillite. J’aimerais mieux me moucher à la porte… Tenez, il avait une chouette femme, ce cochon-là : Florentine. Une femme unique en son genre. De l’or en barre, quoi ! Eh bien ! il a trouvé moyen de lui faire tant de misères qu’elle a fini par fiche le camp avec le père Sourcilleux. Pourtant, elle était bien aimée au Kef ! Vous pouvez parler d’elle à n’importe qui…

— Ah ! pour ça, oui, fait le brigadier. Et puis, propre comme un sou ; et puis, bon cœur, et puis, tout.

Vendredeuil hoche la tête.