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florentine

Des larmes roulent dans les veux de Sourcilleux ; il bégaye ; il cherche des mots, une phrase :

— Euh !… euh !… euh !…

Et, tout d’un coup, d’une voix très douce, mouillée presque, ridiculement enfantine :

— Alors, tu pars ?

Elle frappe du pied et hausse les épaules :

— Il est rasant, à la fin ! Si c’est pour ça que tu m’appelais ! Voilà dix fois que tu me le demandes… Puisqu’on te dit que oui !…

Nous sortons. Je ferme la porte et il me semble entendre, à travers les planches, quelque chose comme un sanglot.

Le gendarme et Florentine marchent devant. Vendredeuil me prend le bras.

— Restons un peu en arrière… Là… Je voulais te dire une chose : il ne faut pas qu’il n’y en ait que pour le flic. Tu comprends ? J’ai été arranger un chouette plumard, tout à l’heure, avec du foin, nos couvre-pieds et les couvertures à cheval… Il faut que tout le monde pique dans le plat… Si le cogne n’est pas content, tant pis. Chacun sa part. Moi, je ne connais que ça…

Nous avons eu chacun notre part – large mesure. – Et c’est à grand’peine que nous nous sommes levés au petit jour pour plier bagage et atteler. Nous nous hâtons, car si l’on savait au camp que nous nous chargeons du transport des civils et de leurs colis dans les équipages militaires, le commandant